Encore embourbé dans l'imbroglio Proglio, EDF suscite à nouveau la polémique. Insatisfait par le projet de réforme du marché de l'électricité dévoilé par le gouvernement, l'électricien public a, selon la presse, soumis aux pouvoirs publics un projet alternatif dont l'une des propositions phares est une hausse de l'ordre de 24% des tarifs particuliers (tarifs bleus) entre 2010 et 2015 afin de financer ses investissements pour le maintien et le renouvellement du parc nucléaire. Le groupe demande de la visibilité sur l'évolution des tarifs.
La direction d'EDF a démenti avoir formulé de telles demandes, voisines de ce qu'avait réclamé Pierre Gadonneix, le prédécesseur d'Henri Proglio. En déclarant l'été dernier qu'il souhaitait une hausse des tarifs de 20% sur trois à quatre ans, il avait choqué l'opinion publique et le gouvernement. Cette sortie lui avait coûté son poste.
Pour Aurel, cette proposition de l'électricien public "constitue une surprise puisque jusqu'ici un certain consensus nous laissait penser que l'évolution des tarifs des particuliers resterait en ligne avec l'inflation. Le scénario d'une hausse des prix de 20% en cinq ans sur les tarifs particuliers aurait une incidence positive de neuf euros par action d'après le scénario du broker.
Mais dans l'attente de nouveaux éclaircissements sur le sujet, le bureau d'études ne retient pas cette hypothèse dans son scénario central. Il a réitéré sa recommandation Acheter et son objectif de cours de 50 euros.
De son côté, CA Cheuvreux souligne que le gouvernement français refuse de s'engager sur une trajectoire tarifaire avant d'avoir une idée des dépenses réelles liées à l'entretien et au renouvellement des centrales nucléaires. Dans l'hypothèse où EDF obtiendrait gain de cause, le broker estime à trois euros par action l'impact positif d'une telle mesure.
En Bourse, les investisseurs semblent sceptiques quant aux chances de succès d'EDF, du moins à court terme : le titre cède en effet 0,12% à 40,97 euros.
(P-J.L)
AOF - EN SAVOIR PLUS
Performances et stratégie
Chiffre d'affaires
Au 30.09.2009 : 48.336 millions d'euros (+6,7% en publié et +2,9% de croissance organique)
Au 30.06.2009 : 34.897 millions d'euros (+8,2% et +4,9% en croissance organique)
Au 31.12.2008 : 64.279 millions (+7,8%)
Résultats
Au 30.06.2009 : résultat d'exploitation (EBITDA) : 10.141 millions (+12,2% et +2,4% en croissance organique) - Résultat net part du groupe : 3.117 millions (stable)
Au 31.12.2008, résultat d'exploitation : 7.911 millions d'euros (-20,8%) - Résultat net part du groupe : 3.400 millions (-39,5%)
Prévisions
L'objectif d'amélioration de la disponibilité du parc nucléaire pour l'année 2009 a été affecté par plusieurs arrêts au cours du quatrième trimestre et particulièrement depuis fin octobre. Ces arrêts ont conduit le groupe à attendre une production nucléaire de l'ordre de 390 TWh en 2009.
Grâce à l'intégration réussie de British Energy, l'EBITDA publié du Groupe devrait sensiblement croître en 2009 par rapport à celui de 2008. A périmètre et taux de change constants, l'EBITDA devrait être, avec un climat hivernal normal, proche de celui réalisé en 2008.
Le résultat net part du Groupe publié devrait être en progression significative par rapport à 2008. Par contre, le résultat net courant, déjà en recul au premier semestre, devrait subir un retrait plus marqué sur l'ensemble de 2009, essentiellement du fait de la moindre production nucléaire de fin d'année.
Stratégie
Le nouveau dirigeant d'EDF, Henri Proglio, issu de Veolia Environnement, compte s'opposer à la réforme en cours du marché de l'électricité. Il refuse qu'EDF cède une partie du courant produit à ses concurrents à un tarif proche de son prix de revient afin de faciliter la concurrence.
Il estime également qu'un rapprochement industriel entre EDF et Veolia serait créateur de valeur. Il souhaite mener rapidement ce projet, alors qu'EDF contrôle déjà 3,9 % du capital de Veolia.
L'amélioration de l'exploitation des centrales nucléaires est une priorité pour le groupe, avec un taux de disponibilité qui a chuté à 78% (contre plus de 90% pour GDF Suez).
Le Groupe vise le maintien d'une notation forte, avec un ratio dette nette/EBITDA compris entre 2,5 et 3, avant l'amélioration attendue des ratios résultant du programme de cessions annoncé.
Evènements financiers
Dans le cadre d'un accord portant sur la participation d'EDF dans le projet de gazoduc South Stream, Gazprom, le géant gazier russe, pourra fournir à EDF du gaz naturel et récupérer en échange de l'électricité, avec l'objectif de construire une relation à long-terme. Le marché russe de l'électricité, pourrait ainsi être ouvert à EDF à l'avenir.
Début 2009, EDF a finalisé l'acquisition de British Energy pour près de 12 milliards de livres sterling (13,6 milliards d'euros). Il s'agit de la plus importante acquisition de son histoire. Cette opération devrait lui permettre de jouer un rôle de premier plan dans le renouveau du nucléaire au Royaume-Uni.
Aux Etats-Unis, le groupe a conclu le rachat de la moitié des activités nucléaires du producteur américain d'électricité Constellation Energy, pour 4,5 milliards de dollars . Grâce à Constellation, EDF espère exploiter 4 réacteurs de troisième génération EPR outre-Atlantique.
Forces et faiblesses de la société
Forces
- Fortes positions concurrentielles en Europe, en particulier en France ;
- Les besoins énergétiques futures sont énormes car d'ici une dizaine d'année 1 milliard de personnes devraient accéder à l'électricité dans le monde ;
- Grâce à ses activités à l'international, en particulier au Royaume-Uni, le chiffre d'affaires du groupe a bien progressé sur les neuf premiers mois de 2009 ;
- Même si depuis 2007 le marché français est ouvert à la concurrence, le leadership d'EDF n'est, pour le moment, pas menacé du fait de prix de revient très compétitifs grâce à ses réacteurs nucléaires ;
- En mettant la main sur British Energy, EDF devient le principal acteur de la relance du nucléaire en Grande-Bretagne. Cela répond à sa volonté de devenir le premier acteur mondial dans ce domaine ;
- En dépit de la baisse du résultat net par action en 2008 (1,87 euro contre 3,08 en 2007), le dividende a été maintenu à 1,28 euro par action ;
- A terme, l'accord donné par l'Autorité de s-reté nucléaire (ASN) pour étendre la durée d'exploitation des centrales de 900 MW du groupe de trente à quarante ans devrait favoriser la progression du titre ;
- Cette progression devrait également être assurée par (i) les investissements en cours en France et à l'étranger qui devraient accroître les performances des centrales du groupe, (ii) le plan d'amélioration de l'efficacité opérationnelle, et (iii) l'intégration de British Energy qui doit générer des synergies supplémentaires.
Faiblesses
- Le taux de disponibilité des centrales nucléaires est actuellement très bas (du fait de problèmes techniques et de mouvement sociaux) alors qu'il était déjà mauvais en 2008 (à 79,2%, correspondant à la plus mauvaise performance depuis neuf ans). Le groupe s'éloigne ainsi de son objectif d'atteindre un taux de 85% en 2011. Cela grève sa rentabilité et son excédent brut d'exploitation. Ce dernier devrait être proche de 2008 pour 2009, alors qu'EDF anticipait précédemment qu'il serait en croissance modérée ;
- La structure financière d'EDF a été fragilisée par l'acquisition de British Energy : l'endettement net atteint 36,8 milliards d'euros au 30 juin 2009, pour seulement 27,7 milliards de capitaux propres ;
- Le désendettement est d'autant plus crucial pour le groupe qu'il doit mener des investissements en Grande-Bretagne dans le nucléaire ;
- Le maintien des tarifs réglementés (déterminés par l'Etat), que seul EDF peut pratiquer pour l'instant, risque d'être menacé suite à la remise au gouvernement du rapport Champsaur. Il préconise d'étendre ces tarifs à tous les fournisseurs d'électricité ;
- L'annonce par EDF Energy d'une baisse des prix de l'électricité de 8,8% en moyenne au Royaume-Uni à compter du 31 mars 2009 pourrait s'observer ailleurs en Europe ;
- Le recul du prix du pétrole pourrait limiter l'avantage du nucléaire, au coeur du développement du groupe.
La valeur et son secteur
Principales activités
Energéticien intégré, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : production, transport, distribution, commercialisation et négoce d'énergies. EDF est également de plus en plus actif sur la chaîne du gaz en Europe.
Le secteur
Dans son étude annuelle, l'Observatoire européen des marchés de l'énergie, Capgemini souligne que les acquisitions successives ont fragilisé la situation financière des dix principaux acteurs du secteur, dont la dette cumulée a bondi de 113% depuis 2006 pour atteindre 213 milliards d'euros en 2008. Les réductions de coût et les cessions d'actifs ont donc succédé à la croissance externe pour restaurer la flexibilité des intervenants. Les investissements ont également été revus à la baisse, au détriment des énergies renouvelables. La politique menée par EDF illustre bien cette tendance : après avoir réalisé une grosse acquisition en 2008, en rachetant British Energy, c'est désormais le désendettement qui prime. Le groupe français espère se désengager au premier trimestre 2010 de son réseau de distribution en Grande-Bretagne, et en retirer 4 milliards d'euros.
La valeur dans son secteur
Leader du marché français de l'électricité - Un des leaders européens de l'énergie avec de fortes positions en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie.
Comment suivre la valeur
EDF appartient au secteur des « utilities » (producteurs d'eau, de gaz et d'électricité), qui regroupe des valeurs défensives.
Surveiller les diversifications du groupe dans le gaz et les acquisitions dans le nucléaire.
Suivre l'application de la stratégie, par le nouveau dirigeant du groupe, Henri Proglio. Sans remettre en cause l'expansion internationale du groupe sur les années précédentes, il considère qu'elle a coûté au groupe une somme non négligeable.
Rémunération des actionnaires
Dernier dividende versé
1,28 euro par action
Taux de distribution des dividendes
68,4%
Taux de croissance du dividende par action
Stable
Rendement 2009
3%
Estimation du prochain dividende par action
1,27 euro en 2010
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Services aux collectivités
Dans son étude annuelle « l'Observatoire européen des marchés de l'énergie », Capgemini souligne l'impact exceptionnel de la crise économique sur le secteur des utilities. La consommation mondiale d'électricité et de gaz devrait baisser respectivement de 3,5% et 3% cette année. Selon l'étude, les acquisitions successives ont fragilisé la situation financière des dix principaux acteurs du secteur, dont la dette cumulée a bondi de 113% depuis 2006 pour atteindre 213 milliards d'euros en 2008. Les réductions de coût et les cessions d'actifs ont donc succédé à la croissance externe pour restaurer la flexibilité des intervenants. Les investissements ont également été revus à la baisse, au détriment des énergies renouvelables. La politique menée par EDF illustre bien cette tendance : après avoir réalisé une grosse acquisition en 2008, en rachetant British Energy pour plus de 14 milliards d'euros, c'est désormais le désendettement qui prime. Le groupe français espère se désengager au premier trimestre 2010 de son réseau de distribution en Grande-Bretagne, et en retirer 4 milliards d'euros.