La France veut emboîter le pas au Royaume-Uni en appliquant une taxe exceptionnelle sur les bonus des banquiers, une mesure qui va dans le sens d'une opinion ulcérée par ces primes et sur laquelle les deux pays espèrent un ralliement international pour ne pas pénaliser leurs banques.
"Le président Sarkozy est d'accord pour taxer les bonus (...)", mais les modalités ne sont "pas encore fixées", a fait savoir jeudi une source proche de l'Elysée, quelques heures après la parution d'une tribune sur le sujet du chef de l'Etat et du Premier ministre britannique Gordon Brown dans le Wall Street Journal.
Dans cette tribune consacrée à la régulation du système financier, ils préconisent "un impôt exceptionnel assis sur les primes versées".
Selon Les Echos, la taxation pourrait atteindre 50% au-delà de 27.000 euros, ce qui équivaudrait à s'aligner sur le barème fixé par le Royaume-Uni qui a ouvert le feu mercredi.
Une telle mesure toucherait au moins 10.000 personnes en France dans les activités de banque de financement et d'investissement, selon Eric Singer, du cabinet de recrutement Singer & Hamilton.
Sur la base d'un taux de 50%, cette taxe exceptionnelle, qui a vocation à ne s'appliquer qu'en 2010 pour les rémunérations versées au titre de 2009, ne rapporterait toutefois que quelques centaines de millions d'euros à l'Etat. Même si les bonus dans les banques devraient afficher une forte hausse en 2009, après une année noire due à la crise financière.
Une taxation des bonus est de nature à satisfaire l'opinion qui vit mal le retour des banques à ces pratiques alors qu'elles ont été aidées par l'Etat cette année et que le chômage continue d'augmenter.
Du côté du gouvernement, la taxe est d'ailleurs présentée comme la rétribution du soutien de l'Etat et une contrepartie aux risques pris par certains traders.
"Plutôt que de frapper les individus, on frappe les banques", a expliqué la source proche de l'Elysée, la dîme étant prélevée directement sur les établissements financiers. "Cela devrait inciter les banques à renforcer leurs fonds propres plutôt que de verser des bonus".
Un banquier français déplore lui, sous couvert d'anonymat, un possible alignement sur le Royaume-Uni, "alors que les montant consentis pour le soutien aux banques n'ont rien à voir" dans les deux pays.
Il fait valoir également que les banques françaises sont les seules à ce jour à avoir appliqué les recommandations du G20 pour encadrer les rémunérations variables.
L'Elysée avait déjà travaillé sur le sujet durant l'été, le président Sarkozy évoquant même publiquement le principe d'une taxe dès le 25 août.
Mais la France se refusait à agir seule, craignant de pénaliser son secteur financier.
"La décision des Britanniques a levé un obstacle parce que notre principal concurrent, c'est Londres", a confirmé jeudi la source proche de l'Elysée.
En faisant cause commune, Gordon Brown et Nicolas Sarkozy cherchent à rallier d'autres soutiens au niveau international.
"Si on est seulement deux pays, on va à la catastrophe", avec un fort risque de fuite des talents, confirme Me Emmanuelle Rivez-Domont, du cabinet d'avocats Jones Day.
Selon un diplomate britannique, MM. Brown et Sarkozy devaient évoquer la question lors d'un dîner organisé jeudi soir dans le cadre d'un sommet des dirigeants européens à Bruxelles.
La chancelière allemande Angela Merkel a déjà qualifié jeudi le principe d'une taxe exceptionnelle d'"idée très charmante". "Elle mérite qu'on en parle", a jugé aussi son homologue néerlandais Jan Peter Balkenende.