Rhodia accélère sa convalescence. Après deux trimestres consécutifs dans le rouge, le groupe de chimie a, contre toute attente, renoué avec les bénéfices au troisième trimestre à la faveur de la hausse de la demande des pays émergents et de ses réductions de coûts. "Je suis convaincu que nous sommes aujourd'hui bien positionnés pour sortir renforcés de la crise", a déclaré le P-DG Jean-Pierre Clamadieu. A la Bourse de Paris, le titre s'est envolé de 8,28% à 11,31 euros hier.
Au troisième trimestre, Rhodia a réalisé un résultat net part du groupe de 14 millions d'euros, après une perte de 40 millions au deuxième mais en baisse comparé aux 56 millions dégagés il y a un an.
L'EBITDA récurrent s'inscrit à 174 millions contre 170 millions un an plus tôt. Ceci résulte à la fois d'un pricing power satisfaisant, de la poursuite des progrès opérationnels et d'un effet de change favorable, qui ont plus que compensé la baisse des volumes par rapport à l'an dernier, a commenté Rhodia.
Les analystes interrogés par Reuters tablaient en moyenne sur une perte nette d'un million d'euros et un Ebitda récurrent de 137 millions.
Par ailleurs, le groupe est parvenu à dégager un free cash flow de 112 millions, contre -75 millions un an plus tôt.
Pour autant, pas question de céder à l'euphorie. Dans un contexte qu'il continue de qualifier d'incertain, le P-DG Jean-Pierre Clamadieu prévoit pour le trimestre en cours une demande similaire à celui du troisième trimestre. L'Ebitda récurrent est attendu supérieur à 160 millions, en hausse de 2,4% à structure et taux de convesion constants mais inférieur à celui présenté ce matin.
"Nouveau redressement impressionnant des marges", a commenté Oddo Securities. Le broker a relevé son objectif de cours de 7 à 12 euros et placé ses prévisions sous revue positive. "Très bon troisième trimestre, solides perspectives', a déclaré de son côté Cheuvreux qui annonce une prochaine mise à jour de ses estimations de résultats.
AOF - EN SAVOIR PLUS
Activité de la société
Ancienne filiale de Rhône-Poulenc, devenu Aventis (aujourd'hui Sanofi-Aventis), Rhodia est l'un des 10 leaders mondiaux de la chimie de spécialités. Partenaires des grands acteurs des marchés de l'automobile, de l'électronique, des fibres, de la pharmacie, de l'agrochimie, des produits de consommation, des pneumatiques et des peintures et revêtements, Rhodia propose des solutions sur mesure combinant molécules et technologies originales répondant aux enjeux de ses clients. L'organisation du groupe repose sur 9 entreprises qui s'articulent en deux groupes constituant les pôles stratégiques de Rhodia : Matériaux et Services de Spécialités et Chimie d'applications. A terme, l'objectif est d'intégrer la Chimie Fine à l'un des deux précédents pôles. Le groupe emploie 20000 personnes dans le monde.
Les points forts de la valeur
- Rhodia est positionné sur la chimie de spécialités, plus rentable que la chimie de base.
- L'émission d'Oceanes devrait permettre au chimiste français de rembourser le solde de ses emprunts obligataires les plus chers à échéance 2010 et 2011 dont le taux d'intérêt moyen est proche de 9%. Le groupe a réussi son plan de refinancement et sécurisé la situation de sa liquidité à moyen terme, grâce à une augmentation de capital, une émission obligataire et de nouvelles lignes bancaires. Sa dette a été ramenée de 3 milliards en 2003 à 1,6 milliard d'euros en 2006.
- Rhodia a tenu ses engagements de redimensionnement de ses activités et de réduction des coûts.
-Les agences de notation Standard & Poor's et Moody's ont respectivement relevé leur notation sur le chimiste à BB- et à Ba3 afin de refléter l'amélioration de la structure de capital.
- Avec le retournement du cycle de la chimie, le groupe peut désormais répercuter une partie de ses hausses de coûts dans les prix.
- Rhodia devrait disposer de 11 à 13 millions de tonnes de CER par an à partir de 2007, et ce jusqu'en 2013. Rappelons que ces crédits, ou droits à polluer, sont attribués aux sociétés qui réduisent le niveau d'émission de CO2, dans le cadre du protocole de Kyoto. Elles peuvent les utiliser pour leurs propres besoins (sur d'autres sites polluants) ou les revendre, comme c'est le cas pour Rhodia grâce aux efforts consentis par le groupe au Brésil et en Corée. La valeur de ces crédits déterminée par la rencontre de l'offre et de la demande représente une part importante de la valorisation boursière de Rhodia.
Les points faibles de la valeur
- Le groupe traîne des "passifs environnementaux". Il a d'ailleurs intenté en vain une action contre son ancienne maison-mère Aventis afin d'obtenir l'indemnisation des passifs liés aux sites de Silver Bow (US) et de Cubatao (Brésil).
- Rhodia est fortement dépendant du prix des matières premières, et plus particulièrement de celui des dérivés du pétrole (benzène...). Il est également pénalisé en cas de repli du dollar.
- Les marges dégagées par les différents pôles du groupe sont très disparates.
- Certains actionnaires minoritaires mènent une fronde contre la direction du groupe et plusieurs de ses administrateurs liés à Aventis. De son côté, l'AMF a estimé que le groupe a diffusé ces dernières années des informations inexactes et imprécises.
Comment suivre la valeur
- Le secteur de la chimie est particulièrement sensible à la conjoncture économique. Rhodia est une valeur cyclique.
- Depuis le redressement du groupe, Rhodia est également considéré comme une valeur de retournement (recovery), à haut risque toutefois.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Produits de base - Chimie
La pétrochimie européenne doit faire face à un environnement particulièrement difficile. Face à un recul de la demande, les surcapacités atteignent 15%, selon le président du Syndicat de la chimie organique de base (SCOB). Quant au taux d'utilisation des capacités, il atteint environ 80%, son plus bas niveau depuis plus de dix-neuf ans. La production de composants chimiques intervenant dans la fabrication de matières plastiques a chuté l'an passé : de 9,8% pour l'éthylène et de 5,2% pour le propylène. Réagissant à cette tendance, l'Europe et les Etats-Unis devraient supprimer cette année environ 2 millions de tonnes de capacités de production annuelles. Alors que l'Asie et le Moyen-Orient, qui bénéficient de coûts de production très inférieurs, vont enregistrer un développement de 6 millions de tonnes de capacités de production annuelles. L'autre tendance négative est la volatilité des coûts. Les hausses peuvent parfois être répercutées aux clients, mais avec un décalage dans le temps.