
Coup de théâtre sur Opel: sa maison-mère General Motors, après s'être escrimée à vouloir vendre la marque allemande en difficulté, ferait son possible pour la garder dans son giron, ce qui risque de fâcher Berlin, très attachée au projet de reprise par Magna.
General Motors (GM) est en train de mettre au point un plan de financement de 4,3 milliards de dollars qu'il pourrait utiliser pour restructurer lui-même sa filiale allemande, affirme lundi soir le Wall Street Journal, citant trois sources concordantes et proches du dossier.
Ce montant est en concurrence avec les 4,5 milliards d'euros de fonds publics que le gouvernement allemand propose d'injecter dans Opel en cas de reprise par l'équipementier canadien Magna. Il est aussi similaire aux 3,8 milliards d'euros d'aides identifiés par le fonds d'investissement belge RHJ, qui propose un plan de rachat concurrent que Berlin ne soutient pas mais que GM semblait jusqu'ici préférer.
Sollicité par l'AFP, GM n'a pas commenté l'information du Wall Street Journal.
Si ce changement stratégique s'avérait, il viendrait court-circuiter le projet de sauvetage d'Opel dans lequel le gouvernement allemand s'est énormément impliqué, face à l'enjeu social du dossier et face à l'échéance des élections législatives dans le pays, fin septembre.
Après avoir fait part depuis des mois de son souhait de se défaire d'Opel et de sa jumelle britannique Vauxhall, GM avait conclu fin mai un accord préliminaire avec Magna, quelques jours avant de déposer le bilan.
Mais le dossier a pris une tournure complexe, GM et Berlin souhaitant d'une part faire monter les enchères, GM écopant d'autre part d'une nouvelle direction et de finances assainies à sa sortie de faillite en juillet.
Les parties sont arrivées à une impasse le week-end dernier, alors que GM a refusé de trancher entre l'offre Magna, fortement poussée par Berlin, et l'offre RHJ.
Tandis que GM est resté muet sur les suites au dossier Opel, Berlin a multiplié les messages d'agacement pendant le week-end, en appelant à une intervention de l'Etat américain, qui contrôle plus de 60% du nouveau GM, pour pousser à une reprise des discussions.
Lundi, la Maison blanche a refusé d'intervernir, estimant que "les décisions concernant les opérations au jour le jour chez General Motors doivent être prises par les responsables de General Motors".
De fait, lors du conseil d'administration de GM vendredi, où le groupe était censé se décider sur le repreneur, le directeur général Fritz Henderson a demandé de revoir totalement les plans pour Opel, y compris de réfléchir aux moyens de lever des fonds, écrit le Wall Street Journal.
Tenant compte de l'empressement de Berlin à boucler un accord rapidement, M. Henderson souhaite que ce plan alternatif soit prêt "d'ici à la prochaine réunion du conseil d'administration début septembre", selon le quotidien.
Le souhait de ne plus vendre Opel était déjà redouté en Allemagne lundi, avec en toile de fond l'hypothèse que GM décide de fermer plusieurs usines jugées non rentables.
Etayant ce scénario, le ministre des Finances Peer Steinbrück a ainsi expliqué que GM préférait jusqu'ici une offre de reprise par un fonds d'investissement, plutôt que par un groupe industriel, "parce qu'un rachat d'Opel dans quelques années en serait ainsi facilité".
Berlin, par opposition, prône "un projet industriel clair et pas juste une vision de rendement à court-terme", voyant dans Magna de meilleures garanties pour les 25.000 emplois d'Opel en Allemagne.
Reste que du point de vue de GM, conserver Opel "sert des intérêts stratégiques de long terme", fait valoir Terrence Guay, chercheur à l'Ecole de commerce de l'Université de Pennsylvanie.
"Sortir du marché automobile européen risque de s'avérer, dans 10 à 20 ans, une sérieuse erreur", si GM entend rester une entreprise d'envergure mondiale, ajoute ce dernier.