Lafarge bondit de 3,79% à 53,91 euros, dopé par les bénéfices semestriels supérieurs aux attentes publiés ce matin par Holcim (+6,19% à 69,50 francs suisses), numéro deux mondial du ciment. Au-delà des comptes, les investisseurs apprécient la détermination du groupe suisse à assurer sa solidité financière dans un ENVIRONNEMENT difficile. En portant de 375 millions de francs suisses à 600 millions de francs suisses son objectif d'économies 2009, il démontre la capacité du secteur à réduire ses coûts et donc à augmenter significativement ses marges dans les mois à venir.
Alors que les plans de relance gouvernementaux ne devraient avoir d'effets bénéfiques qu'en 2010, Holcim donne la priorité aux "rapides adaptations de ses capacités de production aux changements des conditions du marché dans tous les segments et à la mise en oeuvre conséquente des programme de réduction des coûts".
Preuve de son engagement, le principal rival de Lafarge, numéro un mondial du ciment, est parvenu en six mois à boucler son programme de réduction annuelle de coûts tout en limitant au minimum ses investissements.
Holcim n'a guère d'autre choix que de donner la priorité à sa solidité financière. Au premier semestre, son chiffre d'affaires s'est en effet contracté de 18,9% à 10,082 milliards de francs suisses tandis que son Ebitda a reculé de 23,5% à 2,143 milliards. Après minoritaires, le bénéfice net a plongé de 50,6% à 527 millions de francs suisses. Ce résultat a toutefois dépassé les 489 millions du consensus Reuters.
Pour le reste de l'année, le groupe se veut prudent, indiquant que les perspectives demeuraient peu encourageantes. Les pays émergents où il très présent -à l'instar de Lafarge- devraient compenser en partie la faiblesse des marchés mâtures (Etats-Unis, Europe).
Ces prévisions rejoignent les conclusions d'une étude de Nomura sur le secteur publiée hier. Le broker a dégradé son opinion sur la construction et les matériaux de construction d'Achat à Neutre en raison de la faiblesse des perspectives 2009. Néanmoins, le bureau d'études a relevé son objectif de cours sur Holcim de 41 à 67,5 francs suisses et sur Lafarge de 37 à 55,5 euros, signe qu'il ne redoute pas un repli violent des valeurs.
(P-J.L)
AOF - EN SAVOIR PLUS
Performances et stratégie
Chiffre d'affaires
19 033 millions d'euros au 31.12.2008 (+8%)
Résultats
Au 31.12.2008 : résultat d'exploitation courant +9% à 3 542 millions d'euros; résultat net part du groupe en baisse de 16% à 1598 millions d'euros
Prévisions
Pour 2009, le groupe s'attend à une baisse des volumes de ciment (57% du chiffre d'affaires) de 0 à 3% dans l'ensemble. Dans cette activité, les marchés développés devraient fortement se dégrader alors que la croissance devrait ralentir dans les pays émergents. Si les prix devraient rester bien orientés, dans l'ensemble, la baisse des volumes devrait peser sur les marges. Lafarge ne peut donc confirmer ses objectifs pour 2010, qui incluaient notamment un bénéfice net par action de 15 euros (contre 8,87 euros en 2008).
Stratégie
Le Plan Excellence 2008 visait à réduire les coûts de 420 millions d'euros entre 2006 et 2008. Le groupe souhaite poursuivre cette politique et vise une baisse supplémentaire de ses coûts de 400 millions d'euros d'ici 2011. Lafarge a également deux priorités stratégiques pour l'avenir : poursuivre sa croissance sur les marchés émergents et accélérer l'innovation, notamment pour répondre aux modes de construction plus durables. Dès 2010, 65% de ses résultats devraient être réalisés sur les marchés émergents. Lafarge a récemment lancé une augmentation de capital de 1,5 milliard d'euros visant à renforcer sa structure financière. Cette opération s'inscrit dans le cadre d'une stratégie globale de désendettement de 4,5 milliards d'euros incluant plusieurs éléments : des réductions de coûts, d'investissement et de besoin en fonds de roulement et des cessions de 1 milliard d'euros cette année.
Evènements financiers
2008 a été marquée par le développement des activités du groupe dans plusieurs régions émergentes, telles le Moyen-Orient, le bassin méditerranéen et l'Inde. Le renforcement des positions de Lafarge dans les pays émergents a été concrétisé par l'acquisition d'Orascom Cement, leader cimentier au Moyen-Orient, et de L&T Concrete Ltd., numéro un indien du béton prêt à l'emploi.
Forces et faiblesses de la société
Forces
- Positions de leader dans chacune de ses activités;
- Sa diversification géographique permet au groupe de mieux résister que ses concurrents à la conjoncture difficile, grâce au poids important des pays émergents dans son chiffre d'affaires (46% réalisé au Moyen-Orient, en Europe Centrale et de l'Est, en Afrique et en Asie à fin 2008);
- Le rachat d'Orascom Cement a permis à Lafarge de détenir des positions de leader au Moyen-Orient, marché en plein essor;
- Les mesures annoncées devraient réduire l'endettement du groupe (à fin 2008 le ratio d'endettement net sur capitaux propres s'élevait à 115%, contre 72% au 31 décembre 2007).
Faiblesses
- Prudent pour l'avenir, le cimentier a préféré diviser par deux le dividende versé à ses actionnaires au titre de l'exercice 2008;
- Le groupe prévoit une année 2009 difficile, même dans les pays émergents où la croissance devrait ralentir;
- Les résultats de Lafarge au quatrième trimestre 2008 soulignent un net ralentissement, avec un résultat d'exploitation courant en recul de 6% sur cette période du fait d'une évolution négative des volumes.
La valeur et son secteur
Principales activités
Ciments (57% du chiffre d'affaires), béton et granulats (35%), plâtre (8%)
Le secteur
Secteur cyclique, le ciment souffre du ralentissement économique mondial. Les analystes ont généralement revu à la baisse leurs prévisions de résultats 2009 pour les grands cimentiers français. Néanmoins ces derniers bénéficient de plusieurs facteurs qui devraient leur permettre de limiter les effets de la crise. Premièrement, leur présence dans les pays émergents s'est renforcée ces dernières années (ces pays représentent ainsi 37% de l'activité de Ciments Français). La remontée du dollar va également avoir un impact positif sur leurs résultats, du fait de leur position en Amérique du Nord (qui représente 22% du chiffre d'affaires de Lafarge et 13% de celui de Vicat). De plus, la baisse des prix du pétrole devrait limiter l'envolée des coûts énergétiques. Enfin, les gouvernements occidentaux et chinois ont décidé de soutenir le secteur de la construction par des politiques de grands travaux.
La valeur dans son secteur
Leader mondial des matériaux de construction : leader mondial du ciment, numéro 2 des granulats, numéro 3 du béton et du plâtre
Comment suivre la valeur
Les performances de Lafarge sont étroitement liées à l'état du secteur de la construction. Fortement cyclique, ce dernier dépend de l'évolution des taux d'intérêt, des facilités d'accès au crédit et du climat de confiance. Le prix de l'énergie est également à surveiller car il compte pour 25% à 30% du coût de production du ciment. Les résultats de Lafarge sont, pour partie, dépendants du cours du dollar par rapport à l'euro du fait de sa présence aux Etats-Unis : le groupe bénéficie de la remontée actuelle du dollar.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Construction - Matériaux
Selon Moody's la crise de l'immobilier devrait générer une baisse de la demande mondiale de ciment entre 5% et 10%, en 2009. Cette tendance inciterait les entreprises à se livrer à une guerre des prix. Comme le souligne l'agence de notation, certains acteurs souffrent d'un endettement trop conséquent du fait d'acquisitions. Ainsi Lafarge, qui a racheté Orascom, supporte une dette nette représentant 1,15 fois ses fonds propres. Face à une situation financière très tendue, il est devenu urgent pour certains groupes d'être recapitalisés. Saint-Gobain et Lafarge ont décidé de lever chacun 1,5 milliard d'euros en Bourse. A cela s'ajoute une politique de réduction des coûts : aux 400 millions de réductions de coûts dégagées l'an passé, Saint-Gobain va ajouter 600 millions d'euros. Lafarge prévoit, lui, 200 millions d'économies en 2009, contre 120 millions prévus initialement dans le cadre du programme Excellence 2008. Aucune acquisition n'aura lieu en 2009, pour Saint-Gobain, alors que Lafarge va réduire de 40% ses investissements.