
A une exception près, les banques françaises ont publié des résultats décevants au premier trimestre, faute d'avoir purgé suffisamment leurs comptes des actifs à risques, mais elles disposent d'atouts indéniables pour absorber les pertes à venir.
Les banques françaises avaient jusqu'à présent plutôt bien résisté à la crise, affichant de confortables bénéfices au titre de l'année 2008, qui a transformé le paysage bancaire mondial en un champ de ruines.
Mais au premier trimestre, tandis que leurs concurrentes américaines ou européennes renouaient avec les profits, Crédit Agricole a vu son bénéfice réduit des deux-tiers, Société Générale (SG) a plongé dans le rouge et Natixis obligé l'Etat à la recapitaliser en urgence.
Seule BNP Paribas se détache du peloton. En rachetant la première banque belge Fortis Banque, et en parvenant à dégager un profit de 1,5 milliard d'euros au 1er trimestre, elle a pris une avance décisive sur ses concurrentes françaises.
L'heure n'est toutefois pas au triomphalisme. Comme ses rivales, BNP Paribas a en effet payé un lourd tribut à la crise et doit sa bonne performance relative avant tout à une circonstance exceptionnelle: le boom des émissions obligataires par les entreprises entre janvier et mars, qui lui a permis d'encaisser de substantielles commissions.
Globalement, ces résultats "confirment le retard pris par les banques européennes, et les françaises en particulier, dans la reconnaissance des dépréciations d'actifs et des provisions pour créances douteuses", estime Eric Dor, directeur de la recherche à l'IESEG de Lille.

Signe d'un certain rattrapage, BNP Paribas, SG et Crédit Agricole ont passé à fin mars deux à trois fois plus de provisions qu'il y a un an. "Sans doute y a-t-il eu un peu d'inertie dans le provisionnement des banques françaises", concède le sénateur Jean Arthuis.
Autre facteur qui a grevé leurs résultats: leur exposition à l'international. BNP Paribas aux Etats-Unis et en Ukraine, Société Générale dans les pays de l'Est et en Russie, Crédit Agricole en Grèce: parties chercher la croissance à l'international à partir de 2000, elles en sont aujourd'hui pour leur frais.
A l'inverse, le marché français, est lui, plus sain, avec un taux d'endettement des ménages inférieur de moitié à celui des ménages britanniques et une politique des banques "plus conservatrice, l'essentiel des prêts immobiliers se faisant à taux fixe", rappelle Eric Dor.
En outre, ces résultats décevants ne doivent pas faire oublier qu'"à part Natixis, la solvabilité des banques françaises n'est pas menacée". Et qu'elles font partie des établissements les mieux notés par les agences, et donc les plus recherchés par les investisseurs, en quête du maximum de sécurité.
Malgré ces atouts indéniables, les banques françaises ne sont pas au bout de leur peine. Jon Peace, analyste chez Nomura, prévoit ainsi que les défauts de paiement vont atteindre un pic en 2010.
Au flou sur le montant des provisions à venir, chiffrées à 4.000 milliards de dollars par le FMI pour l'ensemble du secteur, s'ajoute une "incertitude sur les revenus que le modèle économique de chaque banque est susceptible de générer", avance M. Dor.
Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs analystes relèvent que le modèle de la Société Générale est certes diversifié, mais pas assez équilibré: le poids de la banque d'investissement y est ainsi trop important.