La banque Natixis a affiché une perte trimestrielle inattendue de 1,8 milliard d'euros, la contraignant à un nouvel appel de fonds de 3,5 milliards d'euros, le troisième en moins d'un an pour un établissement qui peine à garder la tête hors de l'eau.
L'entrée en matière est délicate pour le nouveau président du conseil d'administration François Pérol, qui doit prendre à l'été la tête du groupe issu de la fusion de Banque Populaire et Caisse d'Epargne.
Née il y a un peu plus de deux ans, la filiale de la Banque Populaire et de la Caisse d'Epargne continue à payer le prix d'investissements risqués dans des titres financiers complexes, très liés au marché américain.
Ses activités récurrentes sont rentables, mais elle traîne comme un boulet un portefeuille de 33 milliards d'euros d'actifs devenus illiquides (qu'il n'est pas possible de vendre, ndlr). Isolé du reste de la banque, il continue à se dégrader et à engendrer des pertes.
Les comptes de Natixis à la fin mars traduisent même une situation inquiétante, avec un niveau de fonds propres insuffisant, qui menace la solvabilité de la banque.
Caisse d'Epargne et Banque Populaire vont donc remettre au pot à hauteur de 3,5 milliards, sous forme de prêt rémunéré dont l'échéance n'est pas définie.
En moins d'un an, Natixis aura donc reçu plus de 9 milliards d'euros de ses actionnaires, dont 4 sont indirectement apportés par l'Etat.
"C'est de la perfusion permanente", estime Eric Vanpoucke, analyste de Sal Oppenheim.
Pour autant, le marché estime que malgré ces injections et une restructuration des activités de la banque pour réduire le risque, Natixis manque toujours de visibilité.
"C'est au jour le jour", juge un analyste, pour qui "à la fin du deuxième trimestre, on verra si ça tient la route".
Le marché s'inquiète surtout de nouvelles pertes sur le portefeuille cantonné, perspective qui n'a pas été écartée par M. Pérol.
"Ce qui m'embête, c'est que j'ai l'impression qu'on peut être parti pour cinq à dix milliards de pertes supplémentaires et là, il faudra savoir qui va payer", s'alarme Alain Tchibozo, analyste d'ING Financial Markets.
L'analyste n'hésite pas à comparer la situation de Natixis à celle de la franco-belge Dexia, sauvée du dépôt de bilan fin septembre par les Etats français, belge et luxembourgeois.
"On n'écarte plus l'hypothèse de la faillite, même avec la recapitalisation", avance M. Tchibozo.
Outre les injections de fonds, Natixis pourrait chercher son salut dans des cessions d'actifs, à l'instar de la participation dans la société de conservation de titres Caceis, vendue pour environ 600 millions d'euros.
Le dossier de l'assureur-crédit Coface, vieux serpent de mer, pourrait revenir sur la table, même si les pertes enregistrées par cette filiale ne permettraient sans doute pas d'en tirer un prix satisfaisant.
L'incertitude qui entoure l'établissement pèse sur le cours de l'action, qui perdait plus de 10% jeudi et se rapprochait de nouveau de la barre symbolique d'un euro, déjà franchie à la baisse en mars.
"Toute la question est de savoir quel est l'intérêt de maintenir le dossier à la cote", s'interroge M. Vanpoucke, au sujet d'un titre introduit à 19,55 euros fin 2006.
Même si M. Pérol assure qu'un retrait de la cote n'est pas à l'ordre du jour, Pierre Chédeville, analyste de CM-CIC Securities table sur une sortie de la cote dans les 18 mois.