Morgan Stanley, pénalisée par l'alourdissement du coût de sa dette et des investissements malheureux dans l'immobilier, a fait exception à la spectaculaire embellie affichée par le secteur bancaire américain en publiant mercredi de nouvelles pertes.
La banque d'affaires new-yorkaise a affiché un déficit de 177 millions de dollars entre janvier et mars, plus lourd qu'attendu par les analystes.
L'établissement, qui vient de changer la date d'arrêté de ses comptes de la fin novembre à la fin décembre, a de surcroît annoncé une perte de 1,3 milliard de dollars rien que pour le seul mois de décembre 2008.
Ces résultats placent l'ancienne star de Wall Street dans une position inconfortable: elle a fait moins bien que des banques généralistes qui il y a peu encore suscitaient des craintes pour leur survie --même Citigroup a publié la semaine dernière un bénéfice trimestriel de 1,6 milliard de dollars.
Le marché n'a pas apprécié: le titre Morgan Stanley perdait 5,88%, à 23,20 dollars, vers 16H50 GMT, à la Bourse de New York.
Plusieurs commentateurs remarquaient toutefois que Morgan Stanley était victime à la fois d'une "bizarrerie comptable" et de la prudence de sa gestion.
Le PDG John Mack a souligné que sa banque aurait été rentable sans la forte augmentation du coût de sa dette... résultant paradoxalement du surcroît de confiance qu'elle a inspiré ces derniers mois.
"C'est une évolution positive importante, mais qui a eu un impact négatif à court terme", a relevé M. Mack dans un communiqué.
Les obligations émises par le groupe, valorisées environ 29 milliards de dollars selon la presse, ont vu leur cours de Bourse augmenter fortement sur le marché, puisque jugées de meilleure qualité. La banque a donc été contrainte à réévaluer à la hausse dans ses comptes le coût de sa dette.
D'autre part, la banque semble avoir moins mis l'accélérateur sur ses activités de négoce en compte propre que ses concurrentes, dont les bénéfices sont largement appuyés sur l'envolée récente des marchés.
"Toutes les banques ne sont pas identiques. On dirait que John Mack a pris moins de risque et raté une occasion de gagner de l'argent sur le +trading+", a déclaré un gestionnaire de la société Bahl and Gaynor Investment Counsel, Matt McCormick, interviewé par la chaîne de télévision CNBC.
Plus inquiétantes sont les pertes enregistrées par la banque dans l'immobilier, évaluées à un milliard de dollars, qui selon Gregori Volokhine, analyste à Meeschaert New York, pourrait être le signe annonciateur de nouvelles turbulences.
"La crainte est qu'on passe des pertes liées à l'immobilier des particuliers à des pertes liées à l'immobilier d'entreprise, que ça commence un cycle de pertes importantes pour les acteurs du secteur", a-t-il dit à l'AFP.
Après avoir massivement déprécié la valeurs de leurs actifs dans l'immobilier résidentiel ces derniers mois, les banques américaines ont expliqué ces derniers jours qu'elles accroissaient leurs provisions en prévision de pertes dans le crédit à la consommation, sans particulièrement mentionner la crise attendue dans l'immobilier commercial.
Morgan Stanley s'est défendue de son côté en assumant pleinement la "prudence" de sa gestion, la réduction de ses coûts, avec notamment une coupe de 46% dans la rémunération des cadres, et la solidité de ses fonds propres.
Ce dernier critère sera déterminant lorsque sortiront dans les prochains jours les résultats du "test de résistance" que fait passer le gouvernement américain aux principaux établissements financiers du pays.
C'est la solidité de son bilan qui a fait dire au directeur financier Colm Kelleher, devant les analystes, que la banque entendait bien rembourser les 10 milliards reçus de l'Etat. "Nous aimerions rembourser", pour autant que les régulateurs l'autorisent, a-t-il dit.
Mais il n'a pas indiqué d'échéance, alors que certains concurrents mettent un point d'honneur à afficher leur impatience. Encore un motif d'inquiétude pour M. Volokhine, qui regrette de ne pas entendre la banque dire clairement: "on pourrait rembourser demain".