(AOF / Funds) -
La fusion des sociétés de gestion du Crédit Agricole et de la Société Générale permettra des économies d'échelle et un renforcement de la compétitivité. Un exemple qui devrait faire des émules.
Crédit Agricole AM
Total des encours : 460 Mds euros*
- Institutionnels : 32 %
- Réseaux* : 68 %
Société Générale AM
Total des encours : 178 Mds euros*
- Institutionnels : 23%
- Réseaux* : 77 %
Total des encours de la
nouvelle entité
:638 Mds euros*
- Institutionnels : 30 %
- Réseaux* : 70 %
* Mandats Assurances comptabilisés dans les réseaux, dont 167 Mds euros pour Predica et environ 40 Mds euros pour Sogécap - Source : Crédit Agricole
2009 s'annonçait comme l'année de la restructuration du paysage de la gestion d'actifs en France et il n'aura pas fallu longtemps pour qu'un premier mouvement de consolidation d'ampleur intervienne. La semaine dernière, le Crédit Agricole et la Société Générale ont en effet annoncé la fusion de leurs filiales respectives de gestion d'actifs. «Le monde financier est en pleine restructuration, a expliqué Frédéric Oudéa, directeur général de la Société Générale, lors de la présentation de l'opération. Le modèle de banque universelle a fait ses preuves pendant la crise. Toutefois, deux de ses métiers subissent de plein fouet la crise et doivent s'ajuster : la banque de financement et d'investissement (BFI) et la gestion d'actifs. En BFI, la consolidation a été très rapide, les acteurs ont repensé leurs tarifs à un niveau approprié et bénéficieront de la restructuration. En revanche, en gestion d'actifs, si l'on parle depuis plusieurs années de consolidation, c'est maintenant qu'elle va se mettre en oeuvre. Le meilleur moyen d'y participer est de le faire en anticipant les évolutions et en choisissant son partenaire.» Ce diagnostic est partagé par le Crédit Agricole : «La conjoncture est difficile pour la gestion d'actifs, mais c'est une industrie structurellement en croissance sur le long terme, notamment du fait des évolutions démographiques, a rappelé Georges Pauget, directeur général du Crédit Agricole. Par ailleurs, c'est un métier propice aux économies d'échelle.» Enfin, il demeure encore fragmenté au niveau européen et devrait, sous l'impulsion de la crise et de la réglementation (directive Ucits IV), se consolider.
Des coûts de production trop élevés
Le principal motif de ce rapprochement est ainsi de réaliser des économies d'échelle et donc de diminuer les coûts de production. «La baisse des encours en gestion d'actifs conduit les acteurs à rechercher de la valeur ajoutée au niveau des coûts industriels», a expliqué Georges Pauget. Outre la décollecte, la crise a en effet fait prendre conscience aux investisseurs, et notamment aux investisseurs institutionnels et aux investisseurs avertis, de la faible valeur ajoutée des gérants. En période de marchés euphoriques, les gérants mettaient l'accent sur leur capacité à générer de la surperformance, qui était en fait en grande partie drainée par la hausse continue des marchés. Ils pouvaient à ce titre prélever des commissions de surperformance. La crise a entraîné une corrélation de tous les marchés et de toutes les classes d'actifs à la baisse. Rares sont les gérants qui ont réussi, dans un tel contexte, à afficher des performances positives. Le coût de la gestion est alors apparu comme très onéreux. Les investisseurs se sont reportés sur la gestion indicielle ou les trackers et les ETFs, moins coûteux, ou encore sur la détention de titres en direct. La crise a également conduit les investisseurs à privilégier les actifs les plus liquides, les moins risqués et les plus transparents, c'est-à-dire, en définitive, les produits les moins margés.
En conséquence, les investisseurs deviennent maintenant très attentifs aux frais de gestion. Cela est également vrai pour les particuliers, qui bénéficient désormais d'une information détaillée sur les frais prélevés du fait de la réglementation.
Cette évolution explique la stratégie de CAAM et de SGAM consistant à réduire les coûts au maximum et à proposer des offres à faible prix. L'objectif des deux groupes est de réduire le coefficient d'exploitation : alors qu'il est pour l'heure de 53 % en combinant les deux entités (soit 49 % pour CAAM et 62 % pour SGAM), il devrait passer globalement sous la barre des 50 %. De même, le coût de revient qui ressort à 14 points de base aujourd'hui devrait passer à 10 points de base grâce à la fusion. Cette baisse des coûts devrait permettre au gérant de réduire ses tarifs et d'améliorer sa compétitivité. La production et la structuration de produits ainsi que les plates-formes IT, les fonctions de back office et la gestion des risques seront intégrées. En revanche, les réseaux conserveront une marque propre. Quatre filiales intermédiaires entre l'usine de production et les réseaux seront, pour cela, créées. Ce modèle original pourrait, selon les dirigeants des deux groupes, attirer d'autres banques en Europe. La décollecte devrait en effet conduire nombre de groupes bancaires à externaliser leur gestion d'actifs, voire à abandonner, dans certains cas, ce métier.
Des résultats en baisse en 2009 et 2010
De fait, à l'image de CAAM et de SGAM, dans toutes les sociétés de gestion, l'heure est également à la baisse des coûts pour juguler une crise qui devrait perdurer. «Il faut noter qu'avec l'inertie des commissions de gestion prélevées sur la moyenne des encours passés, la baisse des marchés ne sera perceptible que mi-2009 dans le produit d'exploitation des sociétés de gestion, souligne une étude menée par Multiratings. Et comme les marchés financiers continuent de baisser début 2009, la baisse des produits d'exploitation devrait se prolonger jusqu'en 2010 !» Cette stratégie de baisse des coûts devrait d'ailleurs également être renforcée par l'annonce de ce partenariat, qui bouscule les hiérarchies entre les grands acteurs de la place. «C'est un métier où les économies d'échelle peuvent être très importantes, explique Nathalie Morteau, directrice du pôle Banques-Finances chez Precepta. La baisse des coûts permise par la création d'usines de production a un impact direct sur la rentabilité. L'augmentation de la compétitivité via le rapprochement entre deux acteurs majeurs en France devrait conduire les autres acteurs à réagir afin de rester eux-mêmes compétitifs.» La crise pourrait ainsi conduire à une consolidation d'envergure de ce métier et à une guerre des prix. La nouvelle directive européenne (Ucits IV) en facilitant la distribution transfrontalière devrait accentuer ce mouvement. La façon d'aborder le marché européen, un marché mature mais prometteur compte tenu du vieillissement démographique, devrait ainsi radicalement changer à la suite de la crise financière.
Est-ce pour autant la mort annoncée des petites boutiques ? «En France, 214 sociétés de gestion géraient à fin 2007 moins de 150 millions d'euros, note l'étude de Multiratings. Or, ce seuil des 150 millions d'euros est le point mort pour une société de gestion qui doit faire face à des charges fixes importantes. Selon nos estimations, entre les rapprochements, les regroupements et les disparitions, environ une société de gestion sur deux en France va devoir se restructurer ou disparaître.» Les plus petites sociétés de gestion apparaissent donc très vulnérables. Elles conserveront toutefois toujours un avantage par rapport aux usines de production : leur capacité à innover. «Le marché de la gestion d'actifs ne peut reposer uniquement sur les grosses usines de production, qui proposent une offre traditionnelle et n'ont pas autant la capacité d'innover, explique Nathalie Morteau. Il restera toujours une place pour les petites boutiques ». Encore faut-il qu'elles survivent à la crise.
Sandra Sebag
Questions à Yves Perrier, président de CAAM
Les synergies liées à la fusion vont-elles entraîner des suppressions de postes ?
Le rapprochement entre nos deux entités de gestion d'actifs s'inscrit dans une perspective de développement. Nous espérons gagner des parts de marché. De plus, même s'il y a des redondances de postes, la dynamique de recrutement des deux groupes devrait faciliter leur gestion.
Au niveau des gammes, va-t-il y avoir une rationalisation ?
Nous avions déjà engagé au niveau de CAAM, en 2008, un processus de rationalisation de la gamme des fonds. Dans le cadre de cette opération, cette action sera poursuivie en concertation avec l'ensemble des réseaux.
Lyxor ne fait pas partie du périmètre de l'accord et va donc être en concurrence directe avec CASAM ?
En effet, Lyxor et CASAM ont des activités similaires et continueront chacune de développer leurs produits. Dans le réseau Société Générale, le principe retenu est une coopération équitable entre les deux entités dans la fourniture de produits structurés.
Quels seront les changements en gestion institutionnelle ?
Notre positionnement sur la clientèle institutionnelle est sensiblement renforcé par la réunion des expertises des deux groupes. Ainsi, nous disposerons pour l'ensemble des classes d'actifs d'une offre complète sur les principales places financières (Paris/Londres, Etats-Unis, Japon/Hong Kong/Singapour) et performante dans toutes les grandes devises (euro, dollar, yen).
Le quatrième groupe de gestion d'actifs au niveau européen =
Le nouvel ensemble représentera 638 milliards d'euros d'encours sous gestion, hors actifs détenus par la filiale américaine de SGAM, TCW, dont les encours s'élèvent à 83 milliards d'euros. Il se hissera ainsi au quatrième rang en Europe et au neuvième rang au niveau mondial. En France, il dessert 35 millions de clients individuels. La Société Générale apportera à l'entreprise commune, qui n'a pas été encore baptisée, ses activités de gestion européennes, y compris Etoile Gestion, la filiale de gestion d'actifs du groupe Crédit du Nord, et sa gestion asiatique, ainsi que 20 % de sa filiale américaine TCW. La gestion alternative restera également en dehors de l'accord, les deux filiales dédiées de la Société Générale, à savoir SGAM Alternative Investments (AI) et la Barep, se rapprocheront de Lyxor Asset Management et resteront logées dans le pôle dédié à la banque de financement et d'investissement (BFI). Toutefois, certaines activités, comme la structuration pour des produits garantis, pourront être utilisées pour la clientèle des particuliers. «Lyxor Asset Management structure des produits revendus par la BFI, selon Jean-Pierre Mustier, P-DG de Sgam. A l'intérieur du réseau Société Générale, il faudra coordonner l'offre de la nouvelle entité et celle proposée par Lyxor.» A contrario, toute l'activité de gestion d'actifs de CAAM fera partie du nouvel ensemble, soit 460 milliards d'euros d'encours sous gestion. La coentreprise intégrera également la société de gestion CPR Asset Management, CASAM - dédié aux produits structurés et aux ETFs - ainsi que la BFT, qui a pour vocation à entrer d'ici à un an dans le nouvel ensemble. L'entreprise commune sera par conséquent détenue à 70 % par le Crédit Agricole et à 30 % par la Société Générale.
Une gestion low cost
Malgré la création d'une usine de production, les réseaux proposeront une marque propre. Quatre filiales seront créées, qui serviront d'intermédiaires entre les réseaux et l'usine de gestion d'actifs. Elles auront pour fonction d'adapter les produits aux demandes des réseaux et de leurs clients et de mettre au point les offres sur mesure (mandats) pour le compte des clients institutionnels. Les institutionnels se verront proposer une gestion coeur/satellites, la gestion coeur étant «une gestion classique à faible 'tracking error' et une gestion indicielle» et la gestion satellites s'appuyant sur un «modèle multiboutiques», en utilisant les expertises des entités de gestion aux Etats-Unis (TCW) et en Asie. La gestion coeur devra bénéficier à plein de la réduction des coûts et donc proposer une gestion «low cost».
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