Le constructeur automobile américain Ford a de nouveau assuré jeudi ne pas avoir besoin d'une aide publique pour continuer ses opérations, en dépit du considérable accroissement de ses pertes l'an dernier et de pessimistes prévisions pour l'année en cours.
Alors que ses concurrents locaux General Motors et Chrysler ne survivent que grâce aux subsides de Washington, Ford a indiqué "ne pas avoir besoin de crédit relais de l'Etat américain", sauf en cas d'aggravation de la crise.
Le numéro deux américain de l'automobile estime pouvoir compter sur "des liquidités suffisantes", puisqu'il disposait de 24 milliards de dollars de trésorerie à fin décembre. S'y ajoutent les 10,1 milliards de lignes de crédits existantes que le groupe va entièrement tirer au premier trimestre.
Dans un communiqué, Ford a réaffirmé "être sur les rails" pour que ses activités automobiles redeviennent rentables à l'HORIZON 2011, y compris en Amérique du nord, hors évènements imprévus.
Pour y parvenir, la direction compte sur une poursuite de la réduction de ses capacités de production, l'exercice d'une grande discipline financière et l'accélération de la commercialisation de véhicules "verts".
Ces déclarations peuvent presque paraître un acte de foi, au regard de la colossale perte nette de 14,6 milliards de dollars enregistrée par le groupe en 2008, après un déficit de 2,7 milliards en 2007. Sur ses trois derniers exercices, le groupe a perdu en cumulé près de 30 milliards.
Sa situation s'est encore aggravée au quatrième trimestre, alors que les Etats-Unis sombraient dans une grave récession et que l'économie mondiale se dégradait, avec une perte de 5,9 milliards, plus que doublée sur un an.
Ces résultats, certes "faibles", "sont globalement conformes aux attentes du marché", soulignait toutefois Himanchu Patel, analyste chez JPMorgan, en saluant la moindre consommation de trésorerie prévue cette année.
Même critique, la situation de Ford paraît presque confortable au regard de celle de GM et Chrysler. Ces derniers, qui ont perçu à eux deux 13,4 milliards de Washington, doivent faire la preuve d'ici la fin mars de leur viabilité à long terme, sous peine d'avoir à rembourser les sommes déjà perçues.
"Ford et l'industrie dans son entier ont fait face à un ralentissement extraordinaire sur tous les principaux marchés de la planète, pas seulement en Amérique du nord mais aussi en Europe et en Asie", a reconnu le PDG Alan Mulally, lors d'une conférence téléphonique.
"Mais nous avons pris des mesures fortes, et nous avons le bon plan pour survivre à cette crise", a-t-il martelé.
La direction a souligné que le groupe allait poursuivre ses efforts cette année: économies supplémentaires (pour 4 milliards de dollars), poursuite de la baisse des volumes de production (-300/400.000 unités au 1T), stabilisation des parts de marché aux Etats-Unis, "voire amélioration grâce aux nouveaux modèles", et "réduction de la consommation de trésorerie".
Ford, qui a supprimé des dizaines de milliers d'emplois depuis 2006, va encore supprimer 1.200 postes dans sa filiale de services financiers Ford Motor Credit cette année.
L'agence de notation Standard and Poor's a estimé que l'annonce par Ford qu'il tirait sur ses lignes de crédit ne signifiait pas une intensification des problèmes du groupe. S&P pense toujours que la trésorerie du groupe devrait lui permettre de passer 2009. Toutefois, l'éventuelle faillite de l'un des équipementiers du groupe pourrait forcer Ford à puiser dans ses liquidités et rendre difficile ses objectifs en matière de trésorerie, s'est-elle inquiétée.
Si le directeur financier Lewis Booth a dit s'attendre à ce que le "premier trimestre soit le plus difficile" cette année, il a dit espérer "une amélioration en seconde moitié d'année".
Pour cette année, la direction a dit tabler sur une baisse attendue de 10% des ventes au niveau mondial et allant jusqu'à 15% pour le marché américain (à 11,5-12,5 millions d'unités), après une chute de 18% en 2008.
L'action Ford a clôturé en baisse de 3,94% à 1,95 dollar à New York.