
Les laboratoires Pfizer, déjà premier groupe pharmaceutique mondial par le chiffre d'affaires, vont absorber leur concurrent Wyeth, dans une fuite en avant motivée par la disparition imminente de leurs brevets sur plusieurs médicaments phares.
La fusion, pour un montant de quelque 68 milliards de dollars dont 45 en numéraire, alourdira fortement l'endettement de Pfizer, ce qui a provoqué l'inquiétude des agences de notation.
Mais son PDG Jeffrey Kindler a vanté l'avènement d'un groupe "biopharmaceutique" leader dans la santé humaine et animale, avec une présence géographique "sans rivale".
Le colosse aura un chiffre d'affaires combiné de 75 milliards de dollars et aura en portefeuille des médicaments comme comme le Lipitor (anticholestérol) --le traitement le plus vendu au monde--, le Viagra (troubles de l'érection), ainsi que l'Effexor (dépression) et l'Enbrel (arthrite rhumatoïde et psoriasis), sans compte le le vaccin pédiatrique Prevnar de Wyeth.
"Aucun médicament ne devrait compter d'ici 2012 pour plus de 10% du chiffre d'affaires combiné" de l'entité fusionnée, selon Pfizer.
Mais comme l'a souligné l'agence de notation S&P, cette acquisition ne règle pas le problème de la perte de la protection des brevets sur plusieurs médicaments importants, notamment celui sur le Lipitor, dans deux ans. Ce médicament a représenté en 2008 28% du chiffre d'affaires de Pfizer.
Wyeth vient de son côté de perdre l'exclusivité sur l'Effexor, qui lui a rapporté près de 4 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2008.
Pour S&P, qui envisage de retirer à Pfizer sa note maximale "AAA", la fusion "ne réduira que légèrement la part des ventes (de Pfizer) vulnérables à la compétition des (médicaments) génériques en 2011".
L'autre grande agence de notation, Moody's Investors Service, alarmé par l'acroissement de l'endettement du pharmacien - qui devra emprunter 22,5 milliards de dollars pour boucler l'opération - envisage de le reléguer parmi les emprunteurs de qualité moyenne sans même attendre la fusion.
"L'entité fusionnée Pfizer-Wyeth aurait des notes relativement médiocres en ce qui concerne les brevets expirés et la qualité des produits en phase avancée d'essais" cliniques, a fait valoir son analyste Michael Levesque.
Wall Street a apprécié le retour des grandes fusions-acquisitions qui avaient nourri sa croissance ces dernières années, mais en sanctionnait l'auteur. L'action Pfizer chutait de 9,71% dans un marché en hausse, à 15,76 dollars vers 17H30 GMT.
"Historiquement, Pfizer a fait de très grosses acquisitions qui ne lui ont pas vraiment réussi", a expliqué Gregori Volokhine, analyste chez Meeschaert New York.
"On se demande si ce n'est pas une mesure désespérée de Pfizer", a ajouté M. Volokhine, qui relève qu'il y a quelques mois encore, la direction "ne parlait que de croissance organique, donc on a une contradiction".
Dans les milieux de la pharmacie, les commentaires sont encore plus sévères.
Le chercheur en pharmacie Derek Lowe a dénoncé sur son blog une démarche "amibienne".
"Quand votre société devient plus grosse, vous pouvez déployer une plus grande force de vente, mener des essais cliniques plus vastes, et avaler les paperasses plus vite - mais tout cela ne rapportera que si vous avez des médicaments et des futurs médicaments dans les tuyaux", a-t-il relevé, en soulignant que sur ce plan Pfizer se distingue surtout par ses échecs à trouver un nouveau best-seller susceptible de prendre le relais du Lipitor.
Pfizer a notamment abandonné en novembre le développement d'un traitement de l'obésité qui était en phase finale d'expérimentation.
Alors que la transaction devrait entraîner des économies évaluées à 4 milliards de dollars - et le licenciement de 10% des effectifs - le PDG de Pfizer Jeffrey Kindler a assuré que la fusion n'avait pas pour but essentiel de réduire les coûts.
"Nous allons faire des progrès formidables avec le minimum de destructions (d'emploi), pour le bénéfice de tous", a-t-il assuré lors d'une téléconférence, en promettant de choyer les chercheurs, y compris ceux de Wyeth.