Croulant sous les pertes, Citigroup a enterré vendredi l'ambition de ses fondateurs d'en faire le premier "supermarché de la finance" mondiale, en se réorganisant sous forme de deux entités autonomes dont l'une aura pour vocation d'être progressivement vendue.
Citigroup va désormais fonctionner comme une holding coiffant deux filiales: l'une reprenant ses actifs sains, l'autre ses actifs à risques qui lui ont encore valu de perdre 8,29 milliards de dollars au quatrième trimestre.
"C'est une séparation de la gestion. Cette réorganisation ne représente pas une scission de la compagnie", a clarifié le directeur financier Gary Crittenden, lors d'une conférence avec les analystes.
La traduction juridique, fiscale et réglementaire d'une telle réorganisation va être extrêmement complexe, a reconnu la banque, mais, dans sa gestion, la réforme va être appliquée immédiatement et les comptes du deuxième trimestre seront présentés en accord avec cette nouvelle organisation.
Le directeur général Vikram Pandit a expliqué qu'il s'agissait là d'une "accélération de la stratégie" consistant à recentrer le groupe sur ses activités de base", "au vu de la situation de l'économie et des marchés".
Echaudé par nombre de promesses non tenues, le marché faisait la fine bouche, l'action Citigroup gagnant juste 1,83%, à 3,90 dollars, à 16H00 GMT.
M. Pandit, qui avait manifesté lors de son arrivée à la tête de l'entreprise il y a un an l'intention de la conserver dans son périmètre actuel, n'avait plus d'autre choix après cinq trimestres déficitaires consécutifs.
Au quatrième trimestre 2008, la banque a une nouvelle fois déçu en enregistrant une perte par action de 1,72 dollar, alors que les analystes estimaient que celle-ci ne devrait pas dépasser 1,19 dollar.
Cette nouvelle contre-performance s'explique notamment par des pertes de 6,1 milliards sur les crédits ouverts par la banque et le passage de 6,0 milliards de dollars de provisions sur ses créances douteuses. Le groupe a dû également provisionner 2 milliards de coûts de restructuration et déprécier dans ses comptes la valeur d'actifs à risque pour 5,6 milliards, selon un communiqué.
Sur l'ensemble de l'année, Citigroup a annoncé un résultat net négatif de 18,72 milliards de dollars. Sa perte par action est de 3,88 dollars, alors que le marché prévoyait un déficit par action de l'ordre de 3,24 dollars.
Dans la nouvelle organisation du géant new-yorkais, les activités saines vont reprendre le nom historique de Citicorp --en un clair symbole de l'échec de la fusion engagée il y a onze ans pour former la société actuelle-- alors que ses actifs à risques seront regroupés au sein de Citi Holdings.
Citicorp regroupera les filiales dans la banque d'investissement, la banque privée, les services aux institutions financières, la banque de détail et l'activité de carte de crédit. La nouvelle structure restera donc une banque universelle sur le mode européen, avec une présence dans plus de 100 pays.
"Grâce à la réduction de ses risques et à la réorganisation de ses métiers, nous nous attendons à ce que Citicorp soit une entreprise à haute rentabilité et à croissance élevée, a souligné la banque américaine.
M. Pandit a précisé que le nouveau Citicorp pourra financer les deux-tiers de son activité de prêt avec ses propres dépôts, ce qui devrait le rendre moins dépendant des caprices du marché pour se refinancer.
Citi Holdings regroupera les autres activités de l'ex-"supermarché de la finance", jugées non essentielles par M. Pandit. L'objectif sera de "maximiser la valeur" de ces actifs, en "saisissant les possibilités de cession ou de fusion lorsqu'elles se présentent", a expliqué Citigroup.
Dans Citi Holding sera logée la participation de 49% dans la nouvelle filiale de distribution de produits financiers aux particuliers Morgan Stanley Smith Barney, formée cette semaine avec la banque d'affaires Morgan Stanley. Y figureront aussi les activités japonaises Nikko Cordial et Nikko AM, l'activité d'assurance de Primerica, les activités de crédit à la consommation et les actifs à risques couverts par la garantie de l'état américain.
"Il y a d'exceptionnelles activités dans City Holdings", a fait valoir M. Crittenden, en soulignant que le groupe ne se précipiterait pas pour en vendre les actifs. "Nous avons des plans à long terme", a-t-il dit.
Dans un autre communiqué, Citigroup a reconnu implicitement que l'adoption de cette réorganisation avait été houleuse : un de ses administrateurs a démissionné et d'autres départs sont envisagés au sein du conseil d'administration, a-t-elle dit sans identifier les personnes concernées.
Dans le cadre de ses efforts de réorganisation, le groupe a supprimé 29.000 emplois au quatrième trimestre et 52.000 sur l'ensemble de l'année écoulée, dont une partie à travers des cessions d'actifs, comme celle de ses actifs de banque de détail en Allemagne au Crédit mutuel.