Pénalisé par l'avis négatif d'un broker, EDF (-6,43% à 40,05) éclaire de sa lanterne -rouge- les abysses du palmarès du CAC 40 ce matin. Selon une source de marché, Exane BNP Paribas a dégradé son opinion sur le titre de Surperformance à Neutre avec un objectif de cours de 50 euros contre 63 euros auparavant. Que reproche l'influent bureau d'études à l'électricien ? Pas grand chose. Les analystes redoutent que l'impact positif de la convergence des prix en Europe imposée un jour ou l'autre par la Commission européenne à EDF ne soit compensée en partie par des charges supplémentaires.
En effet, le bureau d'études reste convaincu que la Commission européenne va intensifier sa pression sur la France pour faire disparaître les tarifs régulés. Toutefois, avec les travaux de la Commission Champsaur pour adapter la législation européenne aux spécificités nucléaires françaises, les analystes redoutent que la convergence des tarifs affecte finalement les marges des centrales nucléaires. Le broker craint qu'une partie des marges réalisées dans le nucléaire grâce à cette convergence des prix en Europe soient utilisée pour subventionner les tarifs du réseau.
Exane BNP Paribas estime qu'EDF pourrait publier des résultats annuels décevants le 12 février. En conséquence, le broker a réduit de plus de 10% ses estimations de résultats pour prendre en compte une baisse des ventes sur les marchés de gros en raison de la fermeture de certaines centrales pour maintenance et de la forte demande des clients bénéficiant de prix administrés. Ses prévisions de BPA 2008 et 2009 ressortent désormais 10% et 15% au-dessous du consensus.
Sur les neuf premiers mois de l'exercice 2008, le chiffre d'affaires d'EDF publié mi-novembre 2008 a progressé de 6,9% à 45,6 milliards d'euros, en hausse de 9,7% en organique. Le groupe a bénéficié au troisième trimestre d'une augmentation des tarifs à l'international et de conditions climatiques plus favorables. Le premier trimestre 2007 avait en effet été particulièrement doux.
En France, le chiffre d'affaires au 30 septembre est ressorti en hausse de 6,1% à 24,4 milliards d'euros. La hausse des prix a plus que compensé de nombreuses indisponibilités sur les centrales nucléaires.
Côté perspectives, EDF a souligné que «la crise financière actuelle n'avait pas eu d'impact significatif à ce stade sur son activité opérationnelle ». Le groupe a confirmé son objectif de croissance organique de l'Ebitda de l'ordre de 3 % pour l'ensemble de l'exercice 2008 et d'un résultat net consolidé part du groupe hors éléments non-récurrents en ligne avec celui de 2007.
(P-J.L)
EN SAVOIR PLUS
ACTIVITE DE LA SOCIETE
Le groupe EDF est un énergéticien intégré, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : production, transport, distribution, commercialisation, et négoce d'énergies. EDF peut se prévaloir du premier parc de production en Europe et du premier parc nucléaire au monde. L'électricien compte 40,2 millions de clients dans le monde (avec 36,7 millions de clients en Europe, dont plus de 28 millions en France). En France, EDF est le premier fournisseur d'électricité avec 488 TWh d'électricité commercialisés. EDF a également développé ces dernières années une gamme d'offres enrichie multi-énergies et multi-services, ainsi qu'une offre gaz aux entreprises. Hors de France, EDF est présent au travers de ses filiales dans 3 pays européens clés avec EDF Energy (filiale à 100%, 1er distributeur au Royaume-Uni), British Energy (en cours de rachat, 1er opérateur de centrales nucléaires en Grande-Bretagne), EnBW (filiale à 45%, 3ème énergéticien en Allemagne), et Edison (filiale à 51%, 2ème acteur de l'électricité en Italie). Le groupe est également présent en Amérique latine, notamment au Mexique et au Brésil, dans la zone Asie-Pacifique et plus particulièrement en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique.
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- EDF bénéficie d'une croissance liée à la forte dynamique du secteur de l'énergie, et en particulier à l'augmentation de la consommation d'électricité.
- L'exposition d'EDF au prix du pétrole est très limitée car son parc de production est fortement axé sur le nucléaire et l'hydraulique. La filière nucléaire participe à la diversification des risques énergétiques et constitue un recours contre les fluctuations du prix du pétrole.
- Pour le moment, EDF paraît bien protégé de l'ouverture du marché à la concurrence du fait de ses prix de revient très compétitifs grâce au nucléaire et de son énorme capacité de production.
- EDF a réduit son écart face à ses concurrents européens en termes de rentabilité et de structure financière (EDF est le plus endetté des électriciens européens). Le groupe a promis une croissance régulière du dividende. Le programme de cessions a dépassé au 31 décembre 2007 de 14% la cible d'une réduction de cinq milliards d'euros de la dette nette.
- En s'offrant British Energy, EDF a mis la main sur la plus grande partie du parc de centrales nucléaires britanniques ainsi que sur les meilleurs terrains pour en construire de nouvelles.
Les points faibles de la valeur
- Les spécialistes s'interrogent sur la manière dont EDF pourra augmenter ses tarifs (les démêlés de Gaz de France avec l'Etat sur le sujet ont marqué les investisseurs). Les tarifs de vente aux clients restent en effet réglementés, ce qui restreint la liberté d'EDF d'agir sur ses tarifs de vente.
- Il existe une incertitude sur les choix d'investissement du groupe. L'Etat a exigé que la moitié soit investie en France, or le groupe doit aussi se développer à l'international. De plus, il existe peu de cibles dans ce secteur déjà très concentré. Le risque de surpayer est donc très important.
- Les analystes s'interrogent sur la décision prise par EDF d'accélérer ses investissements alors que les perspectives pour 2008 semblent incertaines. Cette décision s'explique en partie par une hausse des coûts d'équipement, ont expliqué des bureaux d'études.
- Les spécialistes craignent que le démantèlement des installations nucléaires ne coûte plus cher que prévu et vienne amputer les fonds qui auraient du être dédiés à de nouveaux investissements.
- EDF sera sans doute amené un jour à reconsidérer les prérogatives et le financement de son comité d'entreprise auquel est alloué chaque année 1 % des ventes réalisées dans l'Hexagone.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- EDF appartient au secteur des "utilities" (les sociétés d'eau, de gaz et d'électricité), des valeurs défensives achetées pour leur rendement quand les taux d'intérêt sont bas sur le marché obligataire.
- L'électricien développe progressivement des interconnexions et des convergences de marché en plus de sa forte présence sur les principaux marchés européens.
- EDF se diversifie peu à peu dans le gaz.
- EDF a procédé en janvier 2008 à une émission obligataire d'un montant de 1,5 milliard d'euros. L'émission a été placée auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux. L'Etat détenait toujours à cette date un peu plus de 80% du capital. Les salariés contrôlant 1,9% du capital, le flottant demeure donc très réduit.
- Le prix de l'électricité et du gaz sont nettement corrélés aux prix du brut. La hausse de l'or noir stimule par conséquent le chiffre d'affaires d'EDF.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Services aux collectivités
La concurrence est rude dans le secteur des services aux collectivités : du côté des énergéticiens, alors que GDF-Suez affiche ses ambitions dans le nucléaire en France, EDF a annoncé le rachat de plusieurs champs de gaz naturel situés en Mer du Nord britannique. Cette opération souligne les ambitions de l'électricien car c'est la première fois qu'il acquiert directement un actif gazier. Quant à Suez Environnement, il a déclaré la guerre à Veolia alors que le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (Sedif) a récemment voté qu'il continuerait de recourir à un opérateur privé pour gérer ses eaux potables. C'est le renouvellement du plus gros contrat de délégation d'eau en Europe, marché de plus de 350 millions d'euros par an, qui est en jeu. GDF Suez et Suez Environnement ont informé par courrier les maires des 144 communes membres du Sedif de leur candidature à l'appel d'offres en préparation. En insistant ainsi sur l'importance de la concurrence dans le traitement des eaux, le groupe tente d'éviter de se faire écarter par Veolia Environnement qui détient le contrat depuis 1962 et jusqu'à fin 2010. Au contraire, la Ville de Paris a décidé, fin novembre, de créer un établissement public unique, la régie Eau de Paris, qui contrôlera l'ensemble de la chaîne d'eau potable de la capitale.