Le fondateur et patron du quatrième groupe indien de logiciels et services informatiques, Satyam, a démissionné mercredi après avoir reconnu une fraude comptable d'un milliard de dollars, un scandale comparé à l'affaire Enron et un électrochoc dans ce secteur phare.
Le président Ramalinga Raju a admis dans un communiqué que sa société basée à Hyderabad (sud) --cotée à Bombay et à New York-- avait falsifié ses comptes et fait artificiellement gonfler ses bénéfices sur plusieurs exercices. Son bilan comptable à la fin septembre 2008 fait état d'un excédent de 50,4 milliards de roupies (1,03 milliard de dollars).
L'action a immédiatement été massacrée à la Bourse de Bombay, dégringolant de 78% dans un marché en chute de 7,25% à la clôture.
La société est en pleine tourmente depuis que quatre dirigeants, sur les 10 du conseil d'administration, ont démissionné en décembre, à la suite de l'acquisition avortée pour 1,6 milliard de dollars des entreprises indiennes Maytas Properties et Maytas Infrastructure.
M. Raju a admis que ce projet d'achat était "la dernière tentative en date pour remplacer des avoirs imaginaires par des vrais". L'ex-président a présenté ses excuses à ses employés et actionnaires et s'est dit "prêt à faire face à la justice".
Déjà, fin décembre, la Banque mondiale (BM) avait interdit toute collaboration avec Satyam pendant 8 ans, en raison de sommes "indécentes" versées au personnel dirigeant.
Les faux bilans comptables de Satyam sont "un événement d'une magnitude effrayante et le premier du genre", s'est alarmé C.B. Bhave, président du gendarme des Bourses d'Inde, le Sebi, cité par l'agence Press Trust of India.
"C'est l'une des pires journées pour les investisseurs indiens", a renchéri Hitesh Agrawal, patron du courtier Angel Broking dans un rapport intitulé "le Enron indien", en référence à la retentissante faillite en 2001 du courtier en énergie américain.
"Cela pose la question des normes de gouvernance d'entreprises et du rôle des auditeurs comptables", a-t-il estimé.
L'Association nationale des sociétés de logiciels et de services informatiques (NASSCOM) a déploré un "incident particulièrement malencontreux, mais isolé".
"C'est comme un coup de poing qui vous laisse inconscient. La fraude va avoir un impact à court terme" sur le secteur, a répondu à l'AFP Bharat Iyer, de la banque JP Morgan, qui conseillait déjà de "vendre" le titre depuis la crise économique internationale.
Car l'informatique indienne et ses "quatre grands" --Infosys, Satyam, Wipro et Tata Consultancy Services (TCS)-- est l'une des victimes en Inde de la crise financière mondiale partie des Etats-Unis, son principal marché.
Ce secteur, évalué à 50 milliards de dollars de chiffre d'affaires annuel et qui a longtemps profité de l'essor des délocalisations, souffre depuis deux ans de la hausse des salaires des ingénieurs indiens et de l'effondrement des commandes de clients américains.
Reste qu'actuellement la faiblesse de la roupie --au plus bas depuis cinq ans face au billet vert, à près de 50 roupies pour un dollar-- favorise les exportateurs de logiciels car ceux-ci facturent en devise américaine la plupart de leurs clients et paient leurs frais d'exploitation en roupies.
Satyam, qui emploie 50.000 personnes et a des clients dans 65 pays, a dégagé un bénéfice net de 5,8 milliards de roupies (119 millions de dollars), en hausse de 42% sur un an au au deuxième trimestre 2008-2009 (année close fin mars 2009). Le chiffre d'affaires trimestriel a bondi de 39% à 29 milliards de roupies et Satyam tablait jusqu'à présent sur une hausse de 20% du chiffre d'affaires annuel à plus de 2,5 milliards de dollars.