L'allemand Porsche a franchi une nouvelle étape hautement symbolique dans sa conquête du numéro un européen de l'automobile, Volkswagen, en s'emparant de plus de la moitié de son capital.
Il n'a finalement que quelques jours de retard sur le calendrier qu'il avait fixé voilà plusieurs mois. Porsche, qui détenait déjà environ 42%, avait promis d'atteindre le seuil des 50% avant la fin de l'année 2008.
Mais lors de sa conférence de presse annuelle fin novembre le groupe avait dû admettre publiquement qu'il était contraint de tempérer, victime de la folie boursière de l'action Volkswagen.
A l'automne dernier, elle a même atteint 1.000 euros en cours de séance à la Bourse de Francfort, emballée par des placements spéculatifs. Depuis, le titre flirtait régulièrement avec les 300, voire les 400 euros, rendant tout rachat extrêmement onéreux.
Lundi soir, l'action a clôturé à 254,74 euros, soit toute proche de la fourchette de prix jugée appropriée par Porsche, comprise entre 200 et 250 euros.
Le spécialiste des luxueuses voitures de sport en a donc profité pour acheter de nouvelles actions et s'assurer une part de 50,76% dans Volkswagen. Il vise toujours le seuil de 75% cette année.
Cette nouvelle étape change peu de chose à la situation actuelle du géant de l'automobile: Porsche était déjà son premier actionnaire --et de loin-- et avait intégré Volkswagen au sein de la holding européenne qu'il a créée pour regrouper toutes ses activités.
La direction de Volkswagen ne peut plus désormais se passer de l'accord de Porsche pour prendre une décision importante. Et même les syndicats, vivement opposés à ce rachat, ont fini par trouver un accord avec leur nouvel actionnaire majoritaire, qui les a pourtant malmenés.
C'est en effet un choc de culture entre Porsche et Volkswagen, même si leur histoire est étroitement liée.
Le premier se targue d'être le constructeur automobile le plus rentable au monde, avec un actionnariat familial de milliardaires, puisqu'il est toujours la propriété des descendants de Ferdinand Porsche, inventeur pour le régime nazi de la coccinelle qui fit, elle, le succès de... Volkswagen.
Quant au second, il est un véritable symbole en Allemagne, un modèle de cogestion où représentants syndicaux et actionnaires se partagent le pouvoir à égalité et un symbole de la reconstruction après la Seconde guerre mondiale.
Sur le plan juridique, Volkswagen a d'ailleurs toujours bénéficié d'un statut à part, régi par une loi portant son nom et protégeant le groupe d'un rachat. L'actionnaire public, l'Etat régional de Basse-Saxe (nord) où siège le constructeur, bénéficie d'une minorité de blocage et le syndicat de la métallurgie IG Metall y jouit encore d'un pouvoir important.
Mais Porsche, en se lançant en 2005, à la surprise générale, à la conquête de Volkswagen, a juré d'en faire une "entreprise normale". Il ne veut plus de "vaches sacrées", avait-il lancé en direction des syndicats. Et ne supporte guère le droit de veto des pouvoirs publics, contre lequel il a engagé plusieurs procédures judiciaires.
Porsche a d'ailleurs trouvé un allié avec la Commission européenne: déjà instigatrice d'une première condamnation fin 2007, elle a de nouveau menacé le gouvernement de Berlin d'une plainte auprès de la Cour européenne de justice si la chancelière Angela Merkel maintenait le droit de veto.
Celle-ci semble tenir fermement sur ses positions. Mais la crise qui affecte durement l'automobile pourrait conforter la démarche de Porsche: si Volkswagen résiste un peu mieux que nombre de ses concurrents, il s'apprête à vivre une année 2009 très difficile.
Et dans ce contexte, mieux vaut --aux yeux de Berlin-- être adossé à un compatriote, qu'à un partenaire financier étranger.