
Bien décidé à devenir le leader mondial de la renaissance du nucléaire, l'électricien français EDF a surenchéri mercredi sur l'offre du milliardaire Warren Buffett, en vue de ravir les activités nucléaires de Constellation, censées lui ouvrir la porte du marché américain.
Le groupe français, qui détient déjà 9,51% de Constellation, n'entend acheter aucune action supplémentaire du groupe américain.
Il propose de lui offrir 4,5 milliards de dollars si ce dernier apporte ses activités nucléaires à une filiale commune dont les deux groupes seraient actionnaires à hauteur de 50%.
Dans ce cadre, Constellation resterait une société indépendante et cotée. Le groupe exploite 5 réacteurs sur 3 sites dans le nord-est des Etats-Unis (Calvert Cliffs dans le Maryland, et Nine Mile Point et R.E Ginna dans l'Etat de New York).
En option, EDF propose aussi 2 milliards de dollars supplémentaires à Constellation pour racheter ses centrales thermiques et à base d'énergie renouvelable situées principalement sur la côte ouest des Etats-Unis.
Le groupe français estime que cette opération valoriserait Constellation à environ 52 dollars par action, soit deux fois plus que l'offre soumise par Warren Buffett à la mi-septembre.
Constellation a indiqué mercredi qu'il étudierait l'offre d'EDF "dès que cela sera faisable". Le conseil d'administration du groupe avait appelé ses actionnaires, convoqués en assemblée générale le 23 décembre, à voter en faveur de l'offre de Warren Buffett.
C'est la proximité de ce vote qui a poussé EDF a réagir au plus vite, a indiqué à l'AFP une personne proche du dossier.
"Si on ne faisait rien d'ici là, on prenait le risque de voir Warren Buffett mettre la main sur l'entreprise", a indiqué cette personne.
Le groupe français envisageait jusqu'alors un rachat pur et simple de Constellation mais avait pour cela besoin d'un partenaire. Le fonds d'investissement américain KKR avait notamment été évoquée dans la presse.
Mais l'aggravation de la crise financière a compliqué la donne en faisant fuir les investisseurs potentiels. Le groupe avait ainsi officiellement abandonné l'idée d'un rachat de l'entreprise mi-octobre.
"Les Etats-Unis sont un très gros marché, EDF ne pouvait pas se permettre de passer à côté", souligne un analyste financier.
D'autant plus qu'EDF avait noué un partenariat avec Constellation depuis 2006, au sein d'une société conjointe baptisée Unistar, pour construire des centrales nucléaires de troisième génération EPR aux Etats-Unis.
"S'adosser avec un acteur existant permet d'avoir un ticket d'entrée sur le marché" en donnant accès aux sites nucléaires déjà en exploitation, remarque le même analyste.
EDF prévoit ainsi de construire quatre EPR via Unistar. Le premier, qui doit être construit sur le site de la centrale de Calvert Cliffs, doit entrer en activité en 2015.
Les Etats-Unis comptent actuellement 104 réacteurs nucléaires en activité (contre 58 en France) grâce auxquels ils produisent 20% de leur électricité.
Plus de 34 demandes de permis de construire de nouveux réacteurs ont été déposés par des sociétés américaines et des consortiums.
"C'est potentiellement un très grand marché", souligne Colette Lewiner, analyste chez Capgemini.
Mais son développement, interrompu après l'accident de la centrale de Three Miles Island en 1979, pourrait être ralenti par la crise financière et par les hésitations sur le sujet du nouveau président Barack Obama, souligne-t-elle.
L'arrivée d'EDF, un "acteur puissant et compétent", pourrait servir de stimulant, estime un analyste.