EDF (+2,27% à 48,58 euros) ne connaît pas la crise. Cette formule, souvent utilisée lorsqu'il s'agit de d'évoquer les performances d'un spécialiste de l'énergie, sied bien à l'électricien. Ignorant les coups de froid liés à la crise financière, le groupe de Pierre Gadonneix a réalisé un chiffre d'affaires trimestriel en ligne avec les attentes et confirmé ses prévisions pour le reste de l'année. Certes, la progression du chiffre d'affaires en France n'est pas mirobolante, mais la hausse probable des tarifs réglementés et le développement du nucléaire sont autant de facteurs de soutiens.
EDF a donc publié ce matin un chiffre d'affaires conforme aux attentes. Sur les neuf premiers mois de l'exercice 2008, il a progressé de 6,9% à 45,6 milliards d'euros, en hausse de 9,7% en organique. Le groupe a bénéficié au troisième trimestre d'une augmentation des tarifs à l'international et de conditions climatiques plus favorables. Le premier trimestre 2007 avait en effet été particulièrement doux. Les analystes interrogés par Reuters tablaient sur un chiffre d'affaires de 45,3 milliards.
En France, le chiffre d'affaires au 30 septembre est ressorti en hausse de 6,1% à 24,4 milliards d'euros, contre 24,6 milliards attendus. La hausse des prix a plus que compensé de nombreuses indisponibilités sur les centrales nucléaires.
Côté perspectives, EDF a souligné que «la crise financière actuelle n'avait pas eu d'impact significatif à ce stade sur son activité opérationnelle ». Le groupe a confirmé son objectif de croissance organique de l'Ebitda de l'ordre de 3 % pour l'ensemble de l'exercice 2008 et d'un résultat net consolidé part du groupe hors éléments non-récurrents en ligne avec celui de 2007.
Par ailleurs, EDF a indiqué qu'il disposait d'une solide structure financière, tandis que le financement de l'acquisition prévue de British Energy a été sécurisé.
Oddo a salué ce matin un chiffre d'affaires en ligne avec ses attentes. Le broker a renouvelé sa recommandation d'Achat et son objectif de cours de 47,50 euros. Le bureau d'études attend désormais la prochaine réunion prévue avec les analystes par EDF début décembre. Le bureau d'études estime qu'un point particulier sur la rentabilité des centrales nucléaires aiderait le marché à se recentrer sur les fondamentaux du groupe.
De son côté, West LB a confirmé sa recommandation de Réduire la ligne EDF en portefeuille. L'analyste redoute la publication de résultats insatisfaisants durant les quatre prochains trimestres. Par ailleurs, il pense que le groupe va continuer à rester muet sur le dividende. Le broker allemand a cependant relevé de 37 à 45 euros son objectif de cours sur le titre en raison du financement sécurisé de British Energy et de la capacité de Centrica à racheter à EDF la part de 25% du groupe nucléaire britannique.
Enfin, UBS a confirmé sa recommandation d'Achat et son objectif de cours de 62 euros.
(P-J.L)
EN SAVOIR PLUS
ACTIVITE DE LA SOCIETE
Le groupe EDF est un énergéticien intégré, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : production, transport, distribution, commercialisation, et négoce d'énergies. EDF peut se prévaloir du premier parc de production en Europe et du premier parc nucléaire au monde. L'électricien compte 40,2 millions de clients dans le monde (avec 36,7 millions de clients en Europe, dont plus de 28 millions en France). En France, EDF est le premier fournisseur d'électricité avec 488 TWh d'électricité commercialisés. EDF a également développé ces dernières années une gamme d'offres enrichie multi-énergies et multi-services, ainsi qu'une offre gaz aux entreprises. Hors de France, EDF est présent au travers de ses filiales dans 3 pays européens clés avec EDF Energy (filiale à 100%, 1er distributeur au Royaume-Uni), British Energy (en cours de rachat, 1er opérateur de centrales nucléaires en Grande-Bretagne), EnBW (filiale à 45%, 3ème énergéticien en Allemagne), et Edison (filiale à 51%, 2ème acteur de l'électricité en Italie). Le groupe est également présent en Amérique latine, notamment au Mexique et au Brésil, dans la zone Asie-Pacifique et plus particulièrement en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique.
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- EDF bénéficie d'une croissance liée à la forte dynamique du secteur de l'énergie, et en particulier à l'augmentation de la consommation d'électricité.
- L'exposition d'EDF au prix du pétrole est très limitée car son parc de production est fortement axé sur le nucléaire et l'hydraulique. La filière nucléaire participe à la diversification des risques énergétiques et constitue un recours contre les fluctuations du prix du pétrole.
- Pour le moment, EDF paraît bien protégé de l'ouverture du marché à la concurrence du fait de ses prix de revient très compétitifs grâce au nucléaire et de son énorme capacité de production.
- EDF a réduit son écart face à ses concurrents européens en termes de rentabilité et de structure financière (EDF est le plus endetté des électriciens européens). Le groupe a promis une croissance régulière du dividende. Le programme de cessions a dépassé au 31 décembre 2007 de 14% la cible d'une réduction de cinq milliards d'euros de la dette nette.
- En s'offrant British Energy, EDF a mis la main sur la plus grande partie du parc de centrales nucléaires britanniques ainsi que sur les meilleurs terrains pour en construire de nouvelles.
Les points faibles de la valeur
- Les spécialistes s'interrogent sur la manière dont EDF pourra augmenter ses tarifs (les démêlés de Gaz de France avec l'Etat sur le sujet ont marqué les investisseurs). Les tarifs de vente aux clients restent en effet réglementés, ce qui restreint la liberté d'EDF d'agir sur ses tarifs de vente.
- Il existe une incertitude sur les choix d'investissement du groupe. L'Etat a exigé que la moitié soit investie en France, or le groupe doit aussi se développer à l'international. De plus, il existe peu de cibles dans ce secteur déjà très concentré. Le risque de surpayer est donc très important.
- Les analystes s'interrogent sur la décision prise par EDF d'accélérer ses investissements alors que les perspectives pour 2008 semblent incertaines. Cette décision s'explique en partie par une hausse des coûts d'équipement, ont expliqué des bureaux d'études.
- Les spécialistes craignent que le démantèlement des installations nucléaires ne coûte plus cher que prévu et vienne amputer les fonds qui auraient du être dédiés à de nouveaux investissements.
- EDF sera sans doute amené un jour à reconsidérer les prérogatives et le financement de son comité d'entreprise auquel est alloué chaque année 1 % des ventes réalisées dans l'Hexagone.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- EDF appartient au secteur des "utilities" (les sociétés d'eau, de gaz et d'électricité), des valeurs défensives achetées pour leur rendement quand les taux d'intérêt sont bas sur le marché obligataire.
- L'électricien développe progressivement des interconnexions et des convergences de marché en plus de sa forte présence sur les principaux marchés européens.
- EDF se diversifie peu à peu dans le gaz.
- EDF a procédé en janvier 2008 à une émission obligataire d'un montant de 1,5 milliard d'euros. L'émission a été placée auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux. L'Etat détenait toujours à cette date un peu plus de 80% du capital. Les salariés contrôlant 1,9% du capital, le flottant demeure donc très réduit.
- Le prix de l'électricité et du gaz sont nettement corrélés aux prix du brut. La hausse de l'or noir stimule par conséquent le chiffre d'affaires d'EDF.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Services aux collectivités
Selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), un an après l'ouverture du marché de l'énergie, seulement 300000 particuliers et petits professionnels ont changé d'opérateur. Ce chiffre est très faible comparé aux 29,5 millions de consommateurs d'énergie. Le maintien des tarifs réglementés et la possibilité de revenir à ces tarifs pour les Français qui ont testé d'autres opérateurs, permettent à EDF de limiter la concurrence. Gaz de France doit, en revanche, affronter des nouveaux entrants, fournisseurs alternatifs dans le gaz. L'entreprise a mené une politique commerciale dynamique visant à fidéliser ses 11 millions de clients. Il s'agit de leur garantir un service de qualité et une offre duale électricité-gaz qui soit intéressante. Cette politique lui a permis de gagner 290000 clients dans l'électricité selon ses dirigeants. Néanmoins la nouvelle entité, GDF-Suez, dispose encore de capacités de production limitées dans l'électricité. Détenir ses propres capacités de production dans l'électricité de pointe (avec les centrales à gaz ou hydrauliques par exemple) est pourtant un atout non négligeable pour pouvoir procéder à des échanges contre de l'électricité de base (nucléaire). Les nouveaux entrants, comme l'opérateur Poweo, qui a conforté sa place de troisième opérateur français à fin juillet, mènent déjà cette politique.