EDF bondit de 4,27% à 52,59 euros. Les investisseurs saluent la victoire de l'électricien tricolore. Après sept mois d'âpres négociations et l'échec d'une première tentative cet été, EDF a réussi a prendre le contrôle de British Energy. Le français était l'unique et préféré candidat du gouvernement britannique, vendeur de 35,2% du capital. Une rallonge de 200 millions d'euros a suffi à emporter l'adhésion des actionnaires privés. Si la transaction de 15,7 milliards d'euros est coquette, elle permet à EDF d'asseoir ses ambitions internationales après le fiasco Constellation aux Etats-Unis.
200 millions d'euros, soit 1,2% de plus que l'offre initiale, c'est la somme qu'il a suffi de déposer sur la table des négociations pour convaincre les deux fonds rebelles, Invesco et M&G (respectivement 15% et 7% du capital). EDF a relevé son offre de 9 pence par action pour la porter à 774 pence par action (15,7 milliards d'euros), contre 765 pence initalement.
Le cash n'est pas tout. Le français a accepté de céder d'ici quelques mois 25% du capital au gazier britannique Centrica. La bénédiction du gouvernement britannique était sans doute à ce prix. Politiquement, la Grande-Bretagne ne pouvait laisser un groupe étranger se saisir de 100% du capital d'un opérateur de centrales nucléaires.
Conciliant, EDF a même formulé une offre alternative à 700 pence par action, assortie de certificats de valeurs garantie (CVR). En optant pour cette formule, les actionnaires de British Energy confiants dans le nouveau groupe pourront toucher une partie de ses profits futurs s'ils se révélaient plus élevés que prévu.
Confiants, les actionnaires de BE ne peuvent que l'être. EDF, premier exploitant nucléaire mondial était objectivement le seul énergéticien susceptible d'assurer le développement du marché britannique du nucléaire selon les voeux de Londres. Non seulement BE ne disposait pas de compétences nécessaires pour piloter la construction de nouvelles centrales nucléaires, mais de plus, les centrales existantes sont vieilles et cahotantes.
En bouclant la plus importante opération de son histoire, EDF a lavé l'affront essuyé en fin de semaine dernière aux Etats-Unis avec Constellation Energy, son "partenaire américain" qui a préféré s'offrir à Warren Buffet. Le succès dissipe aussi sans doute la déception causée par son impuissance à s'implanter en Espagne en raison de la résistance d'Iberdrola. La Grande-Bretagne est en effet l'un des pays clés pour le tricolore qui souhaite consolider ses postions et se développer à l'international. EDF a mis la main sur la plus grande partie du parc de centrales nucléaires britanniques ainsi que sur les meilleurs terrains pour en construire de nouvelles.
La hausse du cours d'EDF à Paris parle d'elle même. Les investisseurs se félicitent de cette heureuse conclusion. Selon une source de marché, Cheuvreux a ainsi relevé son opinion sur la valeur de Sous-performance à Surperformance avec un objectif de cours inchangé à 65 euros. Le broker estime que l'opération "a du sens".
Les six syndicats rattachés à la direction d'EDF ne partagent pas cet avis. Ils jugent d'une même voix l'opération inutile, trop chère et trop risquée. Ils soulignaient récemment qu'EDF, valorisé 6 fois son résultat d'exploitation 2007 s'apprêtait à payer British Energy 13 fois son résultat brut d'exploitation (environ 1,1 milliard d'euros).
(P-J.L)
EN SAVOIR PLUS
ACTIVITE DE LA SOCIETE
Le groupe EDF est un énergéticien intégré, présent sur l'ensemble des métiers de l'électricité : production, transport, distribution, commercialisation, et négoce d'énergies. EDF peut se prévaloir du premier parc de production en Europe et du premier parc nucléaire au monde. L'électricien compte 40,2 millions de clients dans le monde (avec 36,7 millions de clients en Europe, dont plus de 28 millions en France). En France, EDF est le premier fournisseur d'électricité avec 488 TWh d'électricité commercialisés. EDF a également développé ces dernières années une gamme d'offres enrichie multi-énergies et multi-services, ainsi qu'une offre gaz aux entreprises. Hors de France, EDF est présent au travers de ses filiales dans 3 pays européens clés avec EDF Energy (filiale à 100%, 1er distributeur au Royaume-Uni), EnBW (filiale à 45%, 3ème énergéticien en Allemagne), et Edison (filiale à 51%, 2ème acteur de l'électricité en Italie). Le groupe est également présent en Amérique latine, notamment au Mexique et au Brésil, dans la zone Asie-Pacifique et plus particulièrement en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique.
FORCES ET FAIBLESSES DE LA VALEUR
Les points forts de la valeur
- EDF bénéficie d'une croissance liée à la forte dynamique du secteur de l'énergie, et en particulier à l'augmentation de la consommation d'électricité.
- L'exposition d'EDF au prix du pétrole est très limitée car son parc de production est fortement axé sur le nucléaire et l'hydraulique. La filière nucléaire participe à la diversification des risques énergétiques et constitue un recours contre les fluctuations du prix du pétrole.
- Pour le moment, EDF paraît bien protégé de l'ouverture du marché à la concurrence du fait de ses prix de revient très compétitifs grâce au nucléaire et de son énorme capacité de production.
- EDF a réduit son écart face à ses concurrents européens en termes de rentabilité et de structure financière (EDF est le plus endetté des électriciens européens). Le groupe a promis une croissance régulière du dividende. Le programme de cessions a dépassé au 31 décembre 2007 de 14% la cible d'une réduction de cinq milliards d'euros de la dette nette.
Les points faibles de la valeur
- Les spécialistes s'interrogent sur la manière dont EDF pourra augmenter ses tarifs (les démêlés de Gaz de France avec l'Etat sur le sujet ont marqué les investisseurs). Les tarifs de vente aux clients restent en effet réglementés, ce qui restreint la liberté d'EDF d'agir sur ses tarifs de vente.
- Il existe une incertitude sur les choix d'investissement du groupe. L'Etat a exigé que la moitié soit investie en France, or le groupe doit aussi se développer à l'international. De plus, il existe peu de cibles dans ce secteur déjà très concentré. Le risque de surpayer est donc très important.
- Les analystes s'interrogent sur la décision prise par EDF d'accélérer ses investissements alors que les perspectives pour 2008 semblent incertaines. Cette décision s'explique en partie par une hausse des coûts d'équipement, ont expliqué des bureaux d'études.
- Les spécialistes craignent que le démantèlement des installations nucléaires ne coûte plus cher que prévu et vienne amputer les fonds qui auraient du être dédiés à de nouveaux investissements.
- EDF sera sans doute amené un jour à reconsidérer les prérogatives et le financement de son comité d'entreprise auquel est alloué chaque année 1 % des ventes réalisées dans l'Hexagone.
COMMENT SUIVRE LA VALEUR
- EDF appartient au secteur des "utilities" (les sociétés d'eau, de gaz et d'électricité), des valeurs défensives achetées pour leur rendement quand les taux d'intérêt sont bas sur le marché obligataire.
- L'électricien développe progressivement des interconnexions et des convergences de marché en plus de sa forte présence sur les principaux marchés européens.
- EDF se diversifie peu à peu dans le gaz.
- EDF a procédé en janvier 2008 à une émission obligataire d'un montant de 1,5 milliard d'euros. L'émission a été placée auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux. L'Etat détenait toujours à cette date un peu plus de 80% du capital. Les salariés contrôlant 1,9% du capital, le flottant demeure donc très réduit.
- Le prix de l'électricité et du gaz sont nettement corrélés aux prix du brut. La hausse de l'or noir stimule par conséquent le chiffre d'affaires d'EDF.
LE SECTEUR DE LA VALEUR
Services aux collectivités
Le verdict des parlementaires européens, rendu mi-juin, relance le débat sur la séparation patrimoniale des activités de production et de transport des électriciens européens. En effet, en obligeant les énergéticiens européens produisant de l'électricité à céder leurs réseaux de transport, il s'oppose à l'accord conclu le 6 juin dernier à Bruxelles entre les gouvernements des Vingt-Sept, qui laissait aux opérateurs le choix de céder ou garder leurs réseaux de transport. Ils se conforment néanmoins à la proposition initiale de la Commission Européenne, qui imposait dans sa directive de 2003 une séparation juridique entre la production et la distribution d'énergie. L'objectif étant de casser les monopoles et favoriser la concurrence au profit du consommateur final. Face aux ambitions du futur groupe GDF-Suez, et pour compenser ses pertes de part de marché en France avec l'ouverture du marché à la concurrence, EDF poursuit sa politique d'internationalisation. Il est ainsi prêt à payer 515 millions d'euros pour racheter les 25,5% de GDF dans SPE, numéro deux belge de l'électricité. Néanmoins cette opération risque d'être compliquée par le fait que le Britannique Centrica dispose d'un droit de préemption pour acquérir la participation de Gaz de France. EDF souhaite également acquérir British Energy pour un prix d'acquisition d'environ 14 milliards d'euros. Pour le moment le gouvernement britannique n'a pas donné son accord.