La tourmente des marchés financiers n'a pas empêché lundi le lancement officiel de la nouvelle plate-forme de transactions boursières paneuropéenne Turquoise à Londres, tandis que le Nasdaq OMX lance la sienne vendredi.
Turquoise est l'un des "systèmes de négociation multilatéral (SNM)" qui commencent à fleurir en Europe dans le le cadre de la directive sur les Marchés d'instruments financiers (MIF) entrée en vigueur le 1er novembre dernier. Ce texte vise à abattre les cloisons entre les marchés boursiers nationaux en autorisant l'arrivée de nouveaux acteurs.
Turquoise a été fondée par neuf banques européennes ou américaines, dont BNP Paribas et Société Générale. Le rachat de Merrill Lynch en crise par Bank of America la semaine dernière n'a en rien retardé les festivités.
Depuis son lancement informel il y a trois semaines, avec 1.200 actions originaires de 13 pays, Turquoise a négocié quelque 10 milliards d'euros de titres, dont six milliards la semaine dernière.
Sur 90 de ces titres, la plateforme assure avoir une part de marché "qui dépasse régulièrement" 5% et elle estime être en mesure d'atteindre une part de marché de 5% d'ici à la fin de l'année.
Le directeur général Eli Lederman s'est dit "très content des parts de marchés déjà gagnées", tout en soulignant que "les volumes se développent avec le temps".
Symboliquement, Turquoise s'est lancée à la cloche à 08H00 lundi, une cloche fabriquée par la fonderie de Whitechapel, la plus vieille entreprise britannique. Le groupe a souligné que cette cloche était synonyme du "sérieux et de la probité qui ont caractérisé les grandes bourses à travers l'Histoire" et que son choix montrait que "la technologie moderne la plus sophistiquée" qu'elle utilise ne lui fait pas oublier le sens de son rôle.
La plateforme veut ainsi se donner une image de marque, alors que la concurrence afflue. Londres est déjà le siège de Chi-X, majoritairement détenue par le courtier Instinet (groupe Nomura). L'Américain du Kansas BATS doit arriver en novembre, et Equiduct, soutenu par la Bourse de Berlin, en fin d'année.
Les grandes bourses traditionnelles ne restent pas inactives. Dès vendredi, le Nasdaq OMX lance sa propre plateforme alternative paneuropéenne Nasdaq OMX Europe. Il y a deux semaines, Nyse Euronext a annoncé son intention de lancer la sienne en novembre. Deutsche Börse réfléchirait aussi à adopter un mouvement similaire.
Le Nasdaq OMX va plus loin. Pour mieux concurrencer son rival LSE, qui avait refusé une fusion avec lui il y a deux ans, la bourse américano-nordique a annoncé lundi qu'elle souhaitait devenir un marché boursier complet à Londres, pour permettre aux sociétés de venir s'y faire coter.
"Il y a eu un volume incroyable de consolidations dans le secteur des Bourses ces dernières années, mais elles n'ont pas encore apporté à leur clients la valeur réelle de ces transactions", a estimé le patron du Nasdaq OMX Robert Greifeld, dans le Financial Times lundi, anticipant ainsi de nombreux développements.
Le LSE, une des bourses traditionnelles les plus attaquées par cette floraison, a déjà répété que "la concurrence fait partie du quotidien et tend à rendre les marchés plus efficaces".
Elle tente néanmoins de s'adapter. Elle a ainsi abaissé ses tarifs en début de mois et a entièrement rénové son système électronique pour y faciliter des transactions ultra-rapides, souvent aidées par des calculs algorithmiques.
Elle-même a l'intention de lancer Baikal, sa propre plateforme de "dark pool" (transactions restant anonymes, qu'offre notamment Turquoise), même si le partenaire qu'elle s'était choisi, Lehman Brothers, vient de déposer son bilan.