Les marchés financiers ont fini par perdre patience avec la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, dont l'action a perdu plus de 40% de sa valeur en Bourse sur la seule séance de mardi, faute de montrer des avancées concrètes dans ses projets de recapitalisation.
Malmenée en Bourse depuis plusieurs mois, l'action Lehman Brothers plongeait de 43,25%, à 8,03 dollars, à un quart d'heure de la fin de la séance.
La capitalisation de la plus petite des quatre banques d'affaires de Wall Street a fondu de 85% en un an et ne dépasse plus 5,6 milliards de dollars.
Le fait que le groupe ait annoncé lundi qu'il allait présenter "des initiatives stratégiques-clés" lors de la publication de ses résultats du troisième trimestre, le 18 septembre, n'a pas eu l'effet d'apaisement escompté.
Richard Bove, l'influent analyste de Ladenburg Thalmann, a fustigé dans une note "l'absence d'action" de Lehman Brothers, "qui déprime les actionnaires et met en colère les observateurs du secteur".
Lehman "ne parvient pas à boucler un accord constructif pour vendre sa filiale Neuberger Berman, ses actifs dans l'immobilier ni à ajuster la valeur de ses autres actifs", a-t-il fait valoir. "Les acheteurs potentiels ont l'air de penser que Lehman surévalue ses actifs et refuse de conclure un accord".
"De toute évidence, le groupe n'admet pas avoir de sérieux problèmes au niveau de ses comptes, et refuse tout bonnement d'accepter les prix proposés pour ses actifs", a poursuivi cet analyste, qui en conclut que "la seule solution rationnelle est une offre d'achat hostile" de Lehman Brothers.
La chaîne d'information financière CNBC a allégué que, pour ramener le calme, la banque pourrait avancer la publication de ses comptes. Mais, interrogé par l'AFP, un porte-parole de la banque a réfuté cette hypothèse.
La grande braderie du titre a été déclenchée par des informations de presse, annonçant l'échec des discussions entre Lehman et la banque coréenne KDB, qui était perçue comme le plus sérieux de ses "chevaliers blancs".
Selon des propos de responsables coréens cités par la presse, KDB a finalement décidé de ne pas investir dans Lehman Brothers, après avoir étudié la possibilité de prendre 25% de son capital, une opération valorisée à plus de 4 milliards de dollars par le marché.
La prise de participation de KDB était vue par le marché comme la seule solution exécutable rapidement pour renflouer Lehman, engagé dans une course contre la montre pour régler ses difficultés financières d'ici la publication de ses résultats trimestriels.
Les spéculations se multiplient aussi sur les difficultés de Lehman à vendre plusieurs actifs et à dégager des liquidités.
Pour l'agence de notation Standard and Poor's, le fait que la banque "cherche à accélérer les cessions d'actifs à problèmes" est une preuve de son besoin impérieux de lever de l'argent frais. Mais, a-t-elle noté en annonçant une possible abaissement de la note de la banque, la chute de son cours en Bourse rend très compliqué l'arrivée de nouveaux actionnaires.
Les analystes estiment que Lehman devrait afficher de nouvelles pertes au troisième trimestre, en raison d'importantes dépréciations d'actifs.
La perte attendue est de 2,59 dollars par action, selon le consensus du marché. Cela serait le second trimestre consécutif de pertes pour Lehman, qui avait été jusqu'ici toujours dans le vert depuis son introduction en Bourse en 1994.
Les dépréciations envisagées sont de l'ordre de 4 milliards de dollars, s'ajoutant aux 17 milliards partis en fumée depuis 2007.