
Les députés remettent sur la sellette le financement des organisations professionnelles et syndicales, une initiative controversée alors qu'elles se soumettent pour la première fois cette année à l'obligation légale de publier leurs comptes consolidés.
A l'origine de cette initiative, le député du Nouveau Centre (NC) Nicolas Perruchot a déclaré mardi à la presse qu'une commission d'enquête devrait être "mise en place le 29 juin", l'objectif étant de remettre un rapport fin 2011.
Sa création a été décidée le 8 juin par l'Assemblée nationale, après que tous les groupes politiques ont fait part de leurs vives réserves, sans toutefois voter contre. Il s'agit "d'étudier les mécanismes de financement des organisations syndicales d'employeurs et de salariés, afin de présenter des propositions permettant de garantir leur indépendance et leur légitimité".
M. Perruchot a justifié sa démarche par "le sentiment qu'on a affaire à des gens de moins en moins représentatifs et auxquels on donne de plus en plus de moyens".
Le champ d'investigation est extrêmement large, incluant notamment tout le syndicalisme agricole.

Le financement des "corps intermédiaires" est un serpent de mer qui défraie régulièrement la chronique. Ce fut le cas notamment en 2007, après la révélation de l'existence à l'UIMM (patronat de la métallurgie) d'une caisse noire de 650 millions d'euros, qui aurait servi selon son ex-dirigeant Denis Gautier-Sauvagnac à "fluidifier le dialogue social". Ce dossier est toujours à l'instruction judiciaire.
Cette commission d'enquête déplaît à toutes les institutions: exécutif, UMP, opposition, patronat et syndicats, faisant peser une lourde hypothèque sur son avenir.
Pour la première fois cette année, en effet, toutes les organisations syndicales et patronales dont les ressources annuelles sont supérieures à 230.000 euros sont tenues de publier des comptes consolidés, consultables sur le site internet du ministère du Travail, en vertu d'une loi résultant d'une négociation patronat-syndicats.
CFDT, CFE-CGC et CFTC viennent de satisfaire à cette obligation, comme le Medef. CGT et FO le feront à l'automne.
"Ce n'est pas à ce moment-là qu'il faut leur taper dessus, quand même", a déploré lundi le ministre du Travail Xavier Bertrand. La députée Valérie Rosso-Debord a jugée la démarche "peu opportune".
D'autant que patronat et syndicats négocient actuellement sur la modernisation du paritarisme, y compris son financement, qui n'est toutefois qu'un des canaux du financement syndical. Pour cette raison, "nous regrettons que la commission aborde cette question", a déclaré mardi l'un des dirigeants du Medef, Benoît Roger-Vasselin.
Seul dirigeant syndical à s'être déjà exprimé, Bernard Thibault (CGT), lui-même toujours payé (autour de 2.300 euros) par la SNCF dont il est issu, a vu dans l'initiative parlementaire une "suspicion" à l'égard des syndicats. Il s'attend à "un procès d'intention sur les sources de financement des syndicats".
L'opposition n'est pas en reste. Tout en reconnaissant qu'"il y a effectivement un problème de financement des syndicats en France", le député (Verts) François de Rugy soupçonne la majorité de vouloir enfourcher ce cheval de bataille en 2012. Le temps que le rapport soit prêt, "nous serons en pleine campagne présidentielle", a-t-il dit.
Mêmes préventions au PS. Pour Marisol Touraine, "il ne faudrait pas que l'objet de la commission d'enquête soit de faire apparaître les organisations syndicales comme toutes frauduleuses".