L'entrée de Lactalis au capital du fleuron de l'agro-alimentaire italien Parmalat, aujourd'hui à hauteur de 29%, fait figure de lot de compensation pour le groupe français après son cuisant échec à mettre la main sur Yoplait, qu'il courtisait depuis près de dix ans.
Officiellement, les annonces concommitantes de la montée du propriétaire des marques Président et du rachat prochain de 51% de Yoplait par l'américain General Mills ne sont qu'un "hasard de calendrier", avance-t-on chez Lactalis.
"C'est une opération qui n'a pas de lien avec Yoplait", tente de persuader un porte-parole du groupe laitier. "On regardait le dossier Parmalat depuis 2005", poursuit-il.
En outre la complexité du mécanisme financier utilisé par Lactalis laisse supposer que l'opération était prévue de longue date, ajoute-t-il encore.
Pour parvenir à ses fins, Lactalis a en effet usé de contrats de produits dérivés appelés "equity swap", qui nécessitent de la préparation. Parmalat s'inscrit dans une stratégie de développement à l'international "très forte" dessinée dans les années 2000, argue Lactalis. Depuis cette date, il réalise 60% de son chiffre d'affaires (9,4 milliards d'euros en 2010) hors de l'Hexagone.
Reste que Lactalis, le numéro un de la collecte de lait en France, caresse le rêve de contrôler Yoplait depuis 2002, lorsque la coopérative Sodiaal, l'un des deux actionnaires de la marque à la petite fleur, a décidé de céder la moitié du capital.
"Yoplait est une marque magnifique", explique Lactalis, faisant état de sa "déception" après le choix de l'Américain General Mills.
Lactalis avait cru bon de sortir du bois des mois avant que le fonds d'investissement PAI Partners ne mette officiellement en vente ses 50% dans l'inventeur du yaourt à boire Yop.
Lactalis avait contre toute attente présenté une offre de rachat de la totalité de Yoplait, alors que seule la moitié devait être cédée. Sachant le sujet politiquement sensible, il avait joué la carte du "patriotisme économique".
Ces arguments avaient porté leurs fruits, le gouvernement laissant entendre qu'il privilégiait une solution de reprise française, dans le but de créer un second champion hexagonal du secteur aux côtés de Danone.
Mais PAI et Sodiaal (Candia, RichesMonts) ont éconduit l'impétrant par deux fois, lui préférant finalement le sixième groupe agro-alimentaire mondial et déjà distributeur de Yoplait aux Etats-Unis.
"Il fallait à la fois que nous réalisions notre investissement et que Sodiaal trouve un partenaire durable. Lactalis n'était pas exclu. (Mais) il n'a pas réuni le consensus. Il peut exister des OPA hostiles, mais pas de joint-venture hostile", explique le président de PAI Lionel Zinsou au quotidien Les Echos.
"En gros, Lactalis n'était pas le bienvenu", résume à l'AFP une source proche du dossier. D'après la presse, le groupe coopératif Sodiaal avait dressé une ligne claire: "Tout sauf Lactalis".
Il faut dire que les deux groupes français sont rivaux et entretiennent des relations difficiles.
"Nos rapports sont un peu compliqués", reconnaît-on du côté de Lactalis. "Même si on avait été le plus offrant on n'aurait pas été retenus. Sodiaal a écarté (le suisse) Nestlé parce qu'il avait des partenariats avec nous", ajoute-t-on.
Sodiaal et Lactalis avaient été en décembre dernier en concurrence pour le rachat du groupe fromager Entremont, finalement absorbé par le premier.
Sur Yoplait, Lactalis reste à l'affût. Le groupe suit "attentivement" les discussions entre le Fonds stratégique d'investissement (FSI), poussé par le gouvernement, et Sodiaal pour faire entrer le premier dans le capital de Yoplait afin d'éviter une main mise de General Mills.
"Yoplait a un énorme potentiel", dit-on chez Lactalis. PAI a multiplié sa mise initiale (71 millions d'euros) par plus de 10 en vendant ses 50% pour 800 millions d'euros.