Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet devrait hausser le ton jeudi sur l'inflation, mais sans pour autant suggérer d'augmentation prochaine de son taux directeur, selon les analystes.
Poussée par les prix de l'énergie, l'inflation a encore accéléré en février dans la zone euro, à 2,4% après 2,3% en janvier, selon une première estimation publiée mardi par l'office européen des statistiques Eurostat.
"Ces chiffres ne vont pas contribuer à changer le ton plus belliqueux adopté récemment par la BCE", estime Jonathan Loynes, chef économiste chez Capital Economics, soulignant qu'ils sont bien au-dessus de l'objectif de moyen terme de la BCE qui est de maintenir l'inflation proche de mais inférieure à 2%.
La plupart des analystes n'attendent toutefois pas de hausse du taux directeur de la BCE, fixé à 1% depuis mai 2009, avant la fin de l'année malgré les spéculations qui vont bon train sur les marchés financiers, poussant l'euro à la hausse. "La hausse des taux de la BCE se rapproche", note Jean-Luc Proutat, de BNP Paribas qui ne l'attend toutefois pas avant le quatrième trimestre.
Ses confrères de RBS tablent sur un mouvement au troisième trimestre 2011, "très probablement en septembre". Ils prévoient en revanche une révision à la hausse des prévisions d'inflation de la BCE lors la réunion jeudi de son conseil des gouverneurs à Francfort (ouest), son siège.
Elles pourraient passer selon eux de 1,8 à 2,1% pour 2011 et de 1,5 à 1,7% pour 2012. Marco Valli attend parle lui de 2,2% pour cette année et 1.7% pour l'année prochaine.
La Commission européenne a déjà revu nettement en hausse mardi ses prévisions d'inflation en zone euro pour 2011, à 2,2%, contre 1,8% attendus jusque-là.
S'il ne devrait pas être question de hausse des taux jeudi, "néanmoins nous attendons un certains nombres d'annonces qui laissent augurer que le (...) raidissement se rapproche", prédisent Silvio Perruzzo et Jan Dubsky de RBS.
M. Trichet pourrait ainsi annoncer des changements dans la politique de prêts illimités à taux fixe aux banques, dont certaines sont devenues dépendantes de la BCE, exigeant des garanties plus importantes ou en excluant certaines par exemple, selon RBS. Il pourrait aussi laisser entendre la fin prochaine des opérations de prêt sur trois mois qui avait été prolongées en décembre pour un trimestre.
"Les principales opérations de refinancement à une semaine resteraient pour l'instant à taux fixe et pour des montants de liquidités illimitées", juge pour sa part Jean-Luc Proutat, soulignant que dans des pays comme le Portugal, la Grèce ou l'Irlande, "la situation n'est pas normalisée et les banques continuent à avoir recours au refinancement de la BCE pour des montants importants".
La BCE devrait par ailleurs annoncer la poursuite de son programme de rachat d'obligations publiques entamée au printemps 2010 pendant la crise de la dette grecque, malgré sa répugnance affichée à le faire.
Elle voudrait voir le Fonds de soutien européen (FESF) jouer ce rôle à sa place mais ses appels, couplés à ceux de la Commission européenne, se heurtent pour l'instant à l'opposition de l'Allemagne, première économie de la zone. Vendredi un collectif de près de 200 économistes allemands a affirmé ne pas voir d'alternative à une restructuration de la dette de certains Etats. L'institution monétaire doit aussi actualiser ses prévisions de croissance et pourrait annoncer attendre +1,8% pour 2011 et 2012 en zone euro, contre 1,7 et 1,5% respectivement attendus jusqu'ici.