
Berlin a choisi mercredi Jens Weidmann pour la présidence de la Bundesbank, un choix politique qui faisait grincer des dents en Allemagne et qui semble réduire à néant les chances de voir un Allemand prendre la tête de la Banque centrale européenne (BCE).
M. Weidmann, 42 ans et inconnu du grand public, prendra son poste au 1er mai, a annoncé la chancelière, louant "les compétences techniques" et l'"esprit indépendant" de celui qui a été l'un de ses plus proches collaborateurs ces cinq dernières années.
Il succède à Axel Weber, qui avait annoncé à la surprise générale sa démission la semaine dernière, prenant de court le gouvernement qui espérait en faire le patron de la Banque centrale européenne (BCE).
Mais de l'avis général M. Weidmann ne prétendra pas à ce poste, à pourvoir à l'automne quand le Français Jean-Claude Trichet rendra son tablier. L'Allemagne veut maintenir Jürgen Stark, économiste en chef de l'institution, à son poste, selon les informations du quotidien Die Welt. Or une règle non-écrite de la BCE interdit à deux compatriotes de siéger à son directoire.
"L'Allemagne va devoir avaler cela", a commenté pour l'AFP Carsten Brzeski, analyste d'ING, selon qui ces manoeuvres ouvrent la voie à l'Italien Mario Draghi comme candidat au poste de gardien de l'euro.
Pour les analystes de la banque RBS également, "la nomination de Jens Weidmann rend de plus en plus improbable que le prochain chef de la BCE soit allemand".
Mais le pays entend bien imprimer tout de même sa marque à la politique monétaire de la zone euro, a déclaré lors d'une conférence de presse le vice-chancelier Guido Westerwelle: "nous voulons apporter une contribution pour que la culture de stabilité allemande s'étende à toute l'Europe".
M. Weidmann va "faire entendre sa voix au sein de la BCE" en ce sens, a promis la chancelière.
En Allemagne, l'arrivée d'un "sherpa" de la chancelière à la Bundesbank fait quelque peu grincer des dents.
Le choix de M. Weidmann, même s'il a toujours fui toute étiquette partisane, "mine la confiance en l'indépendance de la Bundesbank" a estimé Frank-Walter Steinmeier, figure de proue du parti d'opposition social-démocrate SPD.
"Est-ce-qu'un homme qui exerce depuis cinq ans le volonté de la chancelière pourra lutter de manière crédible contre l'inflation et les prises d'influence sur la BCE, même contre son propre gouvernement?", résume le quotidien économique FTD.
"Le président (de la Bundesbank) a toujours été choisi parmi ses dirigeants, et seulement après avoir siégé au directoire un certain moment", à l'exception de M. Weber, venu du monde universitaire, a rappelé à l'AFP Thorsten Polleit, économiste de Barclays Capital.
L'un des plus emblématiques présidents de la Bundesbank, Hans Tietmeyer, qui a pavé la voie à l'euro en Allemagne, avait auparavant conseillé le chancelier Helmut Kohl. Mais il avait observé une sorte de "carence" en siégeant au directoire de la Bundesbank après avoir quitté les cabinets ministériels.
Le parti libéral FDP, allié de Mme Merkel, avait également émis des réserves face à M. Weidmann, mais a fini par valider ce choix en échange de la nomination d'une femme au directoire de la Bundesbank, une première historique.
Sabine Lautenschläger-Peiter, jusqu'ici en charge de la régulation des banques auprès de l'autorité du gendarme financier allemand (BaFin), va devenir numéro deux de la banque centrale.