Le gouvernement français ne jure plus que par le modèle allemand de croissance et de rigueur budgétaire, au point, selon plusieurs experts, de laisser à Berlin le soin de définir le contenu d'un futur gouvernement économique européen.
Règle d'or budgétaire, convergence fiscale, écarts de compétitivité... l'Allemagne est devenu l'exemple à suivre.
"L'Allemagne est le +benchmark+ en Europe", reconnaît-on de source gouvernementale française: "Il n'est pas complètement absurde de prendre le meilleur de la classe comme point de référence."
Le rapport de forces entre les deux principales économies de la zone euro n'a pas toujours été à l'avantage de Berlin. Ce sont les réformes du marché du travail du chancelier social-démocrate Gerhard Schröder (1998-2005) qui ont redonné à l'économie allemande compétitivité et croissance.
Résultat: la croissance allemande de 3,6% en 2010 éclipse la faible reprise française, environ 1,5%, et l'Allemagne brille par les excédents commerciaux quand la France accumule les déficits.
"Aujourd'hui, l'Allemagne est considérée en France comme LE modèle", explique le directeur de l'Institut franco-allemand de Ludwigsburg, Frank Baasner. Selon lui, le basculement remonte au printemps dernier: "avec la crise grecque, des agences de notation ont commencé à évoquer des risques sur les finances publiques de la France, tandis que les états généraux de l'industrie française ont fait le constat assez brutal d'une perte de compétitivité".
"La France doit faire un effort pour stopper la divergence forte qui s'est creusée depuis dix ans", estime Michel Didier, président de l'institut Coe-Rexecode, proche du monde de l'entreprise.
Auteur d'un rapport au gouvernement, il propose de baisser les charges pesant sur les entreprises, pour diminuer le coût du travail, avant qu'il ne soit "trop tard". Débat alimenté par le patron de l'UMP: Jean-François Copé prône une hausse de la TVA pour compenser la diminution des charges, comme cela dut fait Outre-Rhin.
"Suivre le modèle allemand ne veut pas forcément dire baisser les salaires!", prévient Michel Didier qui préconise de s'"inspirer du modèle allemand de négociation sociale pour réagir, sans blocages, à notre perte de compétitivité."
Il en va à ses yeux de la survie de la monnaie unique, qui ne peut souffrir de tels écarts entre pays.
C'est tout l'objectif du "pacte de compétitivité", une forme de gouvernement économique de la zone euro proposé par Paris et Berlin et qui suscite déjà des réserves chez leurs partenaires.
"Le concept de gouvernement économique européen fait désormais partie du vocabulaire politique allemand, et ça, c'est une victoire de la France", souligne le directeur de la Fondation Genshagen, Martin Koopmann. "Mais le contenu de ce gouvernement semble s'inspirer plutôt des positions allemandes", nuance Frank Baasner.
La potion s'annonce amère, avec des objectifs communs comme un éventuel recul de l'âge de la retraite, la fin de l'indexation des salaires sur les prix ou des règles constitutionnelles de maîtrise de l'endettement.
"Si des choses marchent en Allemagne, pourquoi serions nous contre?", se justifie-t-on à l'Elysée, qui ne voit "aucun risque de domination allemande".
"Vouloir généraliser le modèle allemand serait catastrophique", s'insurge pourtant Henri Sterdyniak, de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). "L'Allemagne a obtenu sa croissance par des gains de compétitivité au détriment de ses partenaires, ce n'est pas une politique généralisable", souligne-t-il, rejoignant ainsi les critiques émises par Paris il y a encore un an.