Le pouvoir exécutif souhaite une révision rapide de la Constitution pour graver dans le marbre l'objectif "intangible" d'équilibre des finances publiques, comme le réclame l'Allemagne à ses partenaires européens, mais certains experts redoutent une "usine à gaz" budgétaire.
Il a annoncé mercredi qu'il présenterait "dans les prochaines semaines" un texte afin que le Parlement puisse se prononcer "d'ici l'été".
La décision d'inscrire dans la loi fondamentale une "règle d'or" inspirée de l'exemple allemand avait été prise par le président Nicolas Sarkozy au printemps, en pleine crise de la dette dans la zone euro.
Depuis, le gouvernement a fait plancher un groupe de travail et consulté les partis politiques. Il semble maintenant décidé à accélérer, au moment où Berlin s'apprête à présenter, lors du sommet européen de vendredi, un "pacte de compétitivité" qui prévoit notamment l'adoption par les pays de mécanismes de ce genre.
Le Premier ministre, François Fillon, a présenté mercredi en Conseil des ministres les principes de cette réforme censée "fixer un objectif clair d'équilibre budgétaire à atteindre".
"C'est bien de rappeler à l'ordre les décideurs", se félicite Michel Bouvier, directeur de la Revue française de finances publiques.
La France, souvent considérée comme un mauvais élève en Europe, a en effet un rapport compliqué à la discipline budgétaire. Et la crise n'a fait que dégrader ses comptes publics: le déficit a atteint l'an dernier un record, autour de 7,7% du produit intérieur brut (PIB).
Le gouvernement s'est donc résolu à se fixer, au prix d'une cure de rigueur, un objectif "intangible" pour ramener ce déficit à 6% cette année, puis 3%, le plafond autorisé par les traités européens, en 2013.
L'équilibre serait alors en ligne de mire pour 2016-2017, d'autant que l'Union européenne semble désormais décidée à sanctionner les écarts.
"Toute absence de rigueur, tout laxisme" des Etats se traduit désormais "par une défiance" des investisseurs, souligne M. Bouvier. "C'est bien pourquoi l'introduction d'une +règle d'or+ dans les constitutions des Etats pourrait constituer un signal fort en direction des marchés."
L'Allemagne fait partie des pays pionniers: elle a inscrit dans sa Loi fondamentale l'objectif de limiter à compter de 2016 le déficit structurel de l'Etat fédéral à 0,35% du PIB.
La "règle d'or" à la française s'annonce, elle, plus complexe.
La révision constitutionnelle mise au point va "instituer des lois cadre de programmation des finances publiques", selon le compte-rendu du Conseil des ministres, Elle s'inspire des travaux d'une commission pilotée par l'ex-directeur général du Fonds monétaire international Michel Camdessus.
Concrètement, la loi-cadre fixerait en début de législature "une trajectoire de retour vers l'équilibre" que les budgets annuels seraient ensuite tenus de respecter, sous peine d'être retoqués par le Conseil constitutionnel.
"C'est une usine à gaz", déplore l'économiste Charles Wyplosz, membre de la commission Camdessus mais qui dit avoir "refusé de cautionner son rapport".
Il critique "une règle super soft que les parlementaires pourront contourner" et "trop vague pour que le budget puisse vraiment être invalidé".
L'opposition, en tout cas, s'est déjà montrée hostile à une telle réforme. "La nécessaire réduction du déficit est une affaire de volonté et pas de Constitution", affirme le secrétaire national à l'économie du Parti socialiste, Michel Sapin.
"On trouve un peu facile pour ceux qui auront creusé les déficits comme jamais de se dédouaner par une sorte de virginité constitutionnelle", explique-t-il.