
La présidente d'Areva, Anne Lauvergeon, dont le mandat expire en juin et le départ est pressenti sous la pression de l'Elysée, jette un pavé dans la mare en affichant son "envie de continuer" à diriger le groupe nucléaire public dans une interview au Progrès à paraître mardi.
A la question du quotidien régional "souhaitez-vous vous succéder?", Mme Lauvergeon répond sans ambiguité: "Oui, j'ai envie de continuer".
"Nous avons transformé le groupe en 10 ans. Il est devenu le leader de son secteur. Mais il reste beaucoup à faire", explique-t-elle.
"Je suis agrégée de physique, ingénieur des Mines et j'ai commencé au CEA (ndlr, Commissariat à l'énergie atomique). Je connais bien cette industrie et mon énergie est entièrement dédiée à Areva, à ses équipes et à ses clients", fait valoir la seule femme à la tête d'une multinationale française.
Le deuxième mandat d'Anne Lauvergeon, 51 ans, qui préside Areva depuis 11 ans, prend fin en juin et sa succession fait l'objet de rumeurs récurrentes.
Ancienne sherpa de François Mitterrand à l'Elysée, "Atomic Anne" entretient des relations tumultueuses avec ses autorités de tutelle, en particulier avec le président Nicolas Sarkozy.
Ce dernier, selon Le Canard Enchaîné, exclut de la reconduire pour un troisième mandat. "Elle n'en fera pas un de plus", aurait déclaré le président, selon l'hebdomadaire satirique.
Le 6 janvier, Areva a confirmé que trois de ses administrateurs -- le président du conseil de surveillance Jean-Cyril Spinetta, François David et René Ricol -- avaient été mandatés pour "préparer le renouvellement ou la succession des dirigeants du groupe" nucléaire public, dont celui d'Anne Lauvergeon.
"Ce dispositif ne préjuge en rien des recommandations qui seront communiquées aux actionnaires de l'entreprise", avait souligné le groupe dans un communiqué.
Des sources proches du dossier avaient indiqué deux jours auparavant à l'AFP qu'un comité de nomination présidé par M. Spinetta et composé des administrateurs d'Areva proposerait d'ici fin janvier trois noms de successeurs potentiels à la patronne du groupe.
Dans son communiqué, Areva avait fait état de la "désapprobation" de M. Spinetta "devant la multiplication des prises de paroles intempestives".
La commission de déontologie de la Fonction publique s'est opposée le 15 décembre à la candidature éventuelle d'Alexandre de Juniac, directeur de cabinet de la ministre de l'Economie Christine Lagarde, à la tête d'Areva.
Egalement cité dans la presse comme possible successeur d'Anne Lauvergeon, Denis Ranque, président du groupe français de technologies pour les médias Technicolor, a récemment assuré ne pas être intéressé par cette succession.
Interrogée par Le Progrès sur le "tumulte" que risque d'engendrer son souhait d'un troisième mandat à un poste très convoité, la patronne d'Areva répond voir dans le fait "qu'il y ait beaucoup de prétendants" à sa succession "une sorte d'hommage au travail que nous avons réalisé".
"Quand je suis arrivée à la Cogema en 1999, les gens ne se pressaient pas pour rejoindre le nucléaire", conclut-elle.
Areva est né en 2001 de la fusion de Framatome et de la Cogema. Le groupe public fait aujourd'hui figure de géant de l'industrie nucléaire mondiale, avec des activités qui s'étendent de l'extraction d'uranium au traitement des déchets en passant par la conception des réacteurs.