Le marché du travail allemand a remarquablement remonté la pente en 2010, selon les chiffres annuels publiés mardi, et la création de nouveaux emplois s'annonce soutenue cette année encore, même si elle risque de buter sur des obstacles démographiques.
Sur l'ensemble de l'année 2010, le taux de chômage brut s'est affiché à 7,7%, a indiqué l'Agence pour l'emploi. C'est moins que l'année d'avant (8,2%) et moins même qu'en 2008, avant la crise, avec 7,8%.
Le niveau de l'emploi "est à son plus haut depuis la Réunification" en 1990, s'est félicitée la ministre de l'Emploi Ursula von der Leyen. Porté par une dynamique vertueuse -- la demande mondiale pour les produits made in Germany est repartie à la hausse, les entreprises exportatrices ont du coup recommencé à investir --, le marché du travail allemand a déjoué toutes les prédictions funestes, qui tablaient début 2010 sur 4 voire 5 millions de chômeurs cette année.
A fin décembre, ils étaient 3,016 millions, essentiellement à cause d'un petit sursaut en décembre imputable principalement à l'arrivée précoce de l'hiver, qui a paralysé le secteur du BTP. Avant cette "anomalie", selon Fabienne Riefer de Postbank, le chiffre était repassé en octobre et en novembre sous la barre des 3 millions.
Le ministre de l'Economie Rainer Brüderle a évoqué à nouveau mardi le plein emploi comme objectif à portée de main, jugeant que "l'amélioration sur le marché du travail (allait) se poursuivre".
Un avis partagé par les économistes, dont certains misent sur un nombre de sans-emplois en moyenne sous 3 millions cette année.
Mme von der Leyen affiche "une grande confiance" dans la poursuite de la décrue du chômage. L'économie va continuer à bien se porter -- les prévisions de croissance du Produit intérieur brut (PIB) tournent autour de 2% pour 2011 --, les entreprises à embaucher. Le nombre de postes vacants a bondi de 27% sur un an, à 380.000 à fin décembre.
Les Allemands eux-mêmes sont optimistes: un sur neuf seulement a peur de se retrouver au chômage, contre un sur cinq il y a un an, selon un sondage du cabinet de conseil Ernst & Young.
Mais la baisse du chômage ne va pas tenir le rythme de 2010. Et ce principalement parce que "le réservoir des gens disponibles pour travailler baisse", surtout chez les jeunes, a prévenu la ministre.
Ce n'est pas tant l'ardeur des entreprises à embaucher qui faiblit que le manque de candidats dans certains domaines. D'une part, la population vieillit. D'autre part, les postes vacants correspondent de moins en moins au profil des personnes au chômage.
Ingénieurs, techniciens et programmeurs informatiques sont déjà denrée rare par endroits, et le manque de main d'oeuvre qualifiée sera "le thème dominant" des prochaines années, jugeait récemment Mme von der Leyen.
Pour les syndicats et certains observateurs, un autre sujet est motif d'inquiétude: la part croissante des emplois à faible revenu ou précaires. La hausse de l'emploi "provient en grande partie d'une hausse du travail à temps partiel", note Ferdinand Fichtner, de l'institut DIW. Chez les moins de 25 ans, l'emploi précaire concerne 54% des actifs, selon le syndicat IG Metall.
Pour Carsten Brzeski, analyste d'ING, l'ampleur prise par le secteur des bas salaires "entache la performance du marché du travail allemand". Et elle empêche la décrue du chômage d'avoir l'effet bénéfique escompté sur la consommation.
La propension des Allemands a faire de gros achats n'a en effet que peu augmenté, selon le sondage d'Ernst & Young. "Il en faudra plus pour stimuler la consommation", pour M. Brzeski.