L'emploi a moins chuté que prévu pendant la récession et redémarré plus vite qu'attendu, phénomènes "surprenants" qui pourraient résulter d'une rétention de main d'oeuvre des entreprises ou d'un ralentissement des gains de productivité, selon deux hypothèses de l'Insee.
Lors de la récession de 2008-2009, l'emploi salarié a fortement baissé de 2,5%, un repli "très important en termes absolus, mais relativement limité au regard de la chute de la valeur ajoutée, ce qui s'est traduit par une baisse marquée de la productivité", observe l'institut national de la statistique.
"Ce phénomène a surpris" les spécialistes "qui s'attendaient à des pertes d'emplois plus conséquentes" et, "en sortie de récession, la reprise précoce de l'emploi début 2010, a été également surprenante" car l'emploi réagit habituellement avec retard aux fluctuations de l'activité, relève l'Insee.
Du coup, l'évolution de la productivité a été "atypique", avec une baisse très marquée pendant la récession, bien plus forte que lors de la récession de 1993, et un redressement seulement partiel ensuite, montre un dossier spécial publié dans la note de conjoncture de décembre.
Pour expliquer les évolutions de l'emploi depuis le début de la crise, l'Insee établit deux hypothèses, une rétention de main d'oeuvre des entreprises ou une rupture dans les gains de productivité en tendance. Selon l'institut, "on manque encore de recul pour trancher nettement entre ces deux interprétations".
Première piste: les entreprises ont conservé certains salariés et réduit les heures travaillées au lieu de licencier, en jouant surtout sur l'intérim, le volume d'heures travaillées ou le chômage partiel, autant de possibilités de faire varier le volume de travail accrues depuis plusieurs années.
Ces phénomènes ont "joué" mais "n'expliquent que très partiellement la résilience de l'emploi et son redémarrage rapide en sortie de récession", juge l'Insee.
Deuxième piste: une rupture dans la tendance des gains de productivité, comme cela s'était passé au début des années 1970 ou au tournant des années 1990.
Cette hypothèse est "sérieuse", considère l'Insee, soulignant que l'industrie, où les gains de productivité sont traditionnellement les plus forts, a subi une baisse historique de productivité pendant la crise.
Après une profonde restructuration "par l'externalisation, la sous-traitance et l'adaptation des modes d'organisation du travail au besoin croissant de réactivité", "les gisements de productivité seraient plus faibles dans l'industrie", selon la note.
Si cette inflexion des gains de productivité se confirmait, ce ne serait "pas forcément une bonne nouvelle pour l'économie" car elle signifierait "à long terme des niveaux plus bas de valeur ajoutée et d'emploi".