Picard s'apprête à changer encore de propriétaire, en passant pour la troisième fois en dix ans sous le contrôle d'un fonds d'investissement, Lion Capital, alléché par l'expansion continue du distributeur français de surgelés.
Lundi, Lion Capital a annoncé être entré en négociations exclusives avec l'actuel propriétaire de Picard, le fonds BC Partners.
Le processus d'information du personnel va débuter d'ici la fin de la semaine et un accord formel sera ensuite signé pour une finalisation de la transaction attendue au quatrième trimestre 2010, d'après un communiqué.
Le montant de l'offre de Lion Capital, basé à Londres et déjà propriétaire du groupe de surgelés Findus notamment, n'a pas été précisé, mais, selon une source proche du dossier interrogée par l'AFP, il atteindrait 1,5 milliard d'euros.
Une somme colossale qui s'explique par les importants profits dégagés par l'enseigne au flocon ces dernières années.
Picard a en effet vu son chiffre d'affaires doubler en dix ans, pour atteindre 1,15 milliard d'euros l'an dernier, et ce malgré la crise économique. "En 2009, Picard a continué à gagner des parts de marché", a souligné lundi André François-Poncet, associé-gérant de BC Partners.
Il compte aujourd'hui 823 boutiques en France et 30 en Italie, pour un total de 4.000 salariés, selon un porte-parole.
Souvent décrit comme une success-story à la française, Picard était à l'origine une petite entreprise de pains de glace créée en 1906 par Raymond Picard sous le nom des "Glacières de Fontainebleau".
Dans les années 1970, son nouveau patron décide de se lancer dans la fabrication et la vente de produits surgelés, un concept dont le succès ne s'est pas démenti depuis.
Mais Picard est aussi un investissement extrêmement rentable pour ceux qui s'en sont emparé ces dernières années. "Le groupe a généré constamment des résultats financiers robustes", a d'ailleurs relevé lundi Lyndon Lea, associé de Lion Capital.
La chaîne de surgelés est d'abord rachetée en 1994 par le géant français de la distribution Carrefour, qui s'en sépare en 2001 pour 920 millions d'euros au profit de fonds emmenés par Candover Partners.
Eux le conservent trois ans seulement, mais empochent au passage une coquette plus-value, en revendant Picard à BC Partners 1,3 milliard d'euros à la fin 2004.
Un investissement d'autant plus profitable qu'à chaque fois, l'opération a été réalisée via une méthode dite de LBO (leverage buy out), qui consiste à financer l'essentiel d'une acquisition en empruntant aux banques. La dette est ensuite remboursée sur les ressources de l'entreprise acquise.
BC Partners pourrait ainsi tirer de la vente de Picard le double de ce qu'ils avaient directement investi il y a six ans, selon une source citée par Dow Jones Newswires.
Mais à quel prix?, s'inquiètent régulièrement les syndicats qui dénoncent les pratiques sociales de l'entreprise. Picard figurait d'ailleurs sur la liste des mauvais élèves en matière de prévention du stress au travail, élaborée cet hiver par le gouvernement français.
Selon FO, premier syndicat de Picard, "les salariés craignent d'être condamnés à devoir faire beaucoup de bénéfices du fait du probable LBO". "Il ne faut pas que l'argent prenne le pas sur notre manière de faire du commerce, notre accueil et la qualité de NOS produits", a estimé lundi la déléguée Elisabeth Jousselin.
"Les fonds s'engraissent sur les salariés, qui sont la dernière roue du carrosse", dénonce aussi la CGT, qui craint pour la pérennité de l'un des deux derniers entrepôts Picard, à Nemours (Seine-et-Marne).