L'Assemblée a adopté jeudi soir en première lecture le projet de loi "régulation bancaire et financière" au terme d'une journée marquée par le rejet d'un amendement qui demandait l'interdiction d'une pratique spéculative portant sur les titres de créances d'Etat.
A main levée, en présence d'une quinzaine de députés, l'UMP a voté pour le texte, et l'opposition de gauche, contre.
Le projet de loi, qui prévoit notamment de renforcer les pouvoirs de l'autorité des marchés financiers (AMF) et de surveiller les agences de notation, doit être examiné au Sénat en septembre.
"Quand la chancelière allemande s'exprime, elle met ses actes en accord avec ses discours. Quand c'est le président de la République française, il y a des discours mais les actes ne suivent pas", a dit le député PS Pierre-Alain Muet pour expliquer son vote négatif.
Les députés PS -et quelques uns de la majorité- souhaitaient notamment aller plus loin que le gouvernement sur l'interdiction de la vente à découvert à nu.
Il s'agit d'une technique de spéculation boursière qui permet à des opérateurs de marché de vendre des titres qu'ils ne possèdent pas encore, avec l'espoir de les racheter à un moindre prix. La vente à découvert dite "à nu" consiste à vendre un titre, avec un règlement différé, sans même l'emprunter.
"Pour la première fois, le projet de loi prévoit en France un cadre de régulation pour les ventes à découvert", s'est félicitée la ministre de l'Economie Christine Lagarde. "L'Autorité des marchés financiers (AMF) pourra dorénavant interdire les ventes à découvert en cas de circonstances exceptionnelles".
Le président PS de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac, voulait lui "interdire la vente à terme et à découvert pour des titres de dette française et les produits d'assurance qui y sont attachés".
L'amendement de M. Cahuzac avait reçu la veille l'avis favorable de la commission des Finances, de même qu'un amendement quasi-identique de la députée UMP (villepiniste) Marie-Anne Montchamp.
M. Cahuzac voulait que la France fasse comme l'Allemagne, qui a pris une mesure similaire. Mme Montchamp a aussi invoqué la lettre Sarkozy/Merkel demandant à Bruxelles de lutter au plus vite contre ce type de spéculation.
Le gouvernement a émis un avis défavorable. Motif: la ministre redoutait que la France ne fasse "du cavalier seul fût-ce après les annonces qui ont été faites par l'Allemagne en mai".
Censé traduire en droit français des mesures de régulation post-crise, sur fond de procès Kerviel, le texte confie aussi à l'Autorité des marchés financiers la charge d'enregistrer et de surveiller les agences de notation.
"L'AMF ne disposera que d'un seul équivalent temps plein par an pour réguler les agences de notation. On comprend qu'il n'y aura pas de régulation", a déploré Jérôme Cahuzac.
Création d'"un conseil de régulation financière et du risque systémique", renforcement des pouvoirs de l'AMF, nouvelle autorité du contrôle prudentiel...: toutes ces mesures n'ont pas trouvé grâce aux yeux de la gauche.
"Les Etats-Unis avancent, l'Europe réfléchit et la France attend", a résumé Pierre-Alain Muet (PS).
"Les Etats-Unis ont deux textes en cours d?examen, l?un à la Chambre des représentants, l?autre au Sénat", a répondu Mme Lagarde. "Il va donc se passer des semaines sinon des mois avant qu?un texte ne soit définitivement adopté".
Par ailleurs, l'Assemblée a adopté l'instauration d'un comité de rémunération dans les banques pour évaluer les bonus des traders - mais pas la reconduction de la taxe exceptionnelle sur leur gain de 2009.