
Pour combler un déficit public abyssal, le gouvernement s'est résolu jeudi à annoncer un "coup de rabot" de 10% sur presque toutes les niches fiscales, qu'il qualifiait pourtant il y a peu de "solution de facilité" et dont l'efficacité reste à démontrer.
En mai, l'exécutif disait vouloir économiser cinq milliards d'euros en deux ans en rognant sur ces exonérations d'impôts. Ces "dépenses fiscales", destinées à aider certains secteurs ou catégories sociales, représentent un manque à gagner de près de 75 milliards par an pour l'Etat.
"Au cas par cas, certaines niches seront supprimées. Et il y aura un coup de rabot de 10%. Avec des exceptions car il ne faut pas alourdir le coût du travail", a indiqué jeudi le Premier ministre François Fillon.
Or, il y a quelques semaines, le ministre du Budget François Baroin estimait qu'un coup de "rabot général de moins 10%" serait une "solution de facilité".
Changement de ton jeudi: "cette méthode est juste et équilibrée", a-t-il plaidé, c'est "une mesure de justice et d'équité".
En s'appliquant à tout le monde, le "rabotage" permettra sans doute d'éviter des polémiques ou les attaques de lobbies, puisque, selon l'expression consacrée, "dans chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie".
Mais dans la classe politique, certaines voix critiquent déjà le choix du gouvernement.
"Cette approche à l'aveugle parce qu'on n'ose pas choisir est, je trouve, tout à fait inappropriée", a réagi l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin.
"Oui à une révision de la dépense fiscale mais non à ce que ce soit systématique, automatique et sans esprit de nuance", a abondé son prédécesseur, le sénateur UMP Jean-Pierre Raffarin.
Selon Jacques Le Cacheux, de l'Observatoire français des conjonctures économiques, la méthode choisie "n'est certainement pas la solution la plus efficace". Avec le coup de rabot de 10%, "on ne se pose pas la question des priorités", déplore-t-il, plaidant pour des plafonds différenciés selon les niches.

Le gouvernement a tout de même laissé entendre que certaines réductions d'impôts, notamment celles favorisant l'emploi, seraient épargnées.
Il sera ainsi difficile de toucher à des mesures coûteuses comme le crédit d'impôt recherche (4 mds) ou le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile (1,75 md), jugées efficaces économiquement ou sensibles politiquement.
"On pourra faire sur certaines niches plus que 10% pour protéger d'autres dépenses fiscales", a précisé François Baroin, évoquant des "études d'impact" pour mesurer leur efficacité.
Pour le Syndicat national unifié des impôts (Snui), il faudrait en effet "évaluer les niches, afin de décider durablement lesquelles on maintient, lesquelles on supprime".
L'annonce du gouvernement "ne résout pas en tout cas le problème structurel des niches", estime son secrétaire national, Vincent Drezet. "Cela ne change rien à leur complexité, leur injustice et leur prolifération", ajoute-t-il.
"Si on veut dégager beaucoup d'argent, on n'a pas le choix: il faut faire le coup de rabot général", avance de son côté l'avocat fiscaliste Michel Taly.
Reste que la mesure, censée contribuer à ramener le déficit public de 8% du produit intérieur brut (PIB) cette année à 6% l'an prochain et 3% en 2013, pourrait s'avérer insuffisante.
"C'est une bonne solution mais il faudra sans doute aller plus loin", estime Jean Arthuis, président centriste de la commission des Finances du Sénat, pour qui un nouvel abaissement du plafond global des niches sera nécessaire.
François Fillon devrait rendre ses premiers arbitrages fin juillet.