
Le groupe de distribution nordiste Auchan va expérimenter prochainement à Mulhouse (Haut-Rhin) le premier hypermarché "hard discount", un nouveau concept en France, où les frontières entre les modèles concurrents se brouillent, sur fond de crise.
Rebaptisé Priba par Auchan, le magasin proposera "une nouvelle formule" axée sur "des prix bas permanents" et donc moins de promotions, d'ici la fin du premier trimestre, a confirmé un porte-parole jeudi, après des informations du site blogmulliez.com reprises par Le Figaro. Ses résultats se dégradaient depuis des années.
Par rapport à un hyper traditionnel, les consommateurs trouveront "deux à trois fois plus de produits économiques" : premier prix, marques de distributeurs (MDD), marques nationales, et articles en vrac (self-discount) comme le sucre, la farine ou les biscuits.
La surface actuelle de 9.200 mètres carrés sera conservée, mais le nombre de références sera divisé par deux, pour tomber entre 25.000 et 30.000 contre 60.000 précédemment.
"C'est très novateur", estime Annie Girac, à la direction de la recherche d'Euler Hermes Sfac. A titre de comparaison, un magasin du groupe "hard discount" Lidl ne propose qu'un millier de références sur une surface dix fois plus petite.
"Tout est en libre-service. Cela veut dire qu'ils travaillent sur les coûts de façon à réaliser des gains de productivité et à diminuer le personnel salarié et les charges que ça représente", analyse-t-elle.

Compte tenu de la "forte présence de marques nationales", ce concept s'apparente plutôt à un "modèle hybride entre un hypermarché classique et un supermarché de +hard discount+", à l'instar de ceux qu'Auchan exploite déjà en Russie sur une surface de 5.000 mètres carrés, estime Laurent Thoumine, consultant à Kurt Salmon (KSA).
Selon lui, Mulhouse a été choisi "par opportunisme, parce que ce magasin était structurellement déficitaire et que la région Est est saturée de +hard discounters+".
"J'imagine volontiers que si le test est concluant, ils l'étendront aux magasins les moins performants", prévoit Mme Girac.
Si le modèle fonctionne, il existe un potentiel de développement pour une vingtaine de magasins de ce type en France, estime M. Thoumine, y voyant surtout "la possibilité pour le groupe "de capitaliser à l'international sur un concept qui demande peu d'investissements".
Avant même cette initiative, les frontières ont commencé à se brouiller entre la grande distribution et le "hard discount": des marques nationales ont fait leur entrée chez Lidl, tandis que la distribution traditionnelle a multiplié les produits premier prix et ses propres marques à prix cassé comme Carrefour Discount, pour contrer la progression du "hard discount".
"Il y a effectivement une confusion des genres, mais les +hard discounters+ allemands sont assez prudents. Le nombre de marques nationales chez Lidl est très restreint, chez Aldi il n'y en a pas", nuance M. Thoumine.
La décision de la grande distribution de lancer des produits "discount" date du moment où "les chiffres de TNS Sofres attestaient d'une progression significative du +hard discount+" qui a fait peur aux principaux distributeurs et qui a coïncidé avec l'avènement de la crise des "subprimes", souligne-t-il.
Cette stratégie "est assez réussie puisqu'on voit que la part de marché du +hard discount+ (14% en France contre 40% en Allemagne) s'érode légèrement depuis six à sept mois", précise Mme Girac.