
A l'heure où les Etats-Unis rejoignent le club des pays sortis de la récession, l'économie mondiale semble avoir franchi un palier au point que certains experts se laissent aller à un sentiment jusque-là impensable: l'optimisme.
Quelques mois après la France, le Japon ou l'Allemagne, la première économie mondiale a donc renoué avec la croissance au troisième trimestre. Si l'on ajoute l'insolent dynamisme des pays émergents, l'euphorie des marchés depuis mars (+56% à la Bourse de New York) et le timide retour des fusions-acquisitions, l'embellie est tangible.
Certains pays (Norvège, Australie, Israël) ont d'ailleurs amorcé un retour à la normale de leur politique monétaire, arguant d'un "redémarrage plus rapide que prévu" de l'activité.
La sortie de récession américaine constitue "un tournant", commente Guillaume Menuet, économiste chez Merrill Lynch à Londres. "On rentre dans un cercle vertueux qui va s'étendre à l'économie réelle."
Selon lui, l'économie sera bientôt à nouveau en état de marche: les banques sont "en meilleur état qu'il y a quelques mois" ; les entreprises ont déjà repris la production pour reconstituer "un matelas de stocks" et les "anticipations des ménages" sont bonnes en dépit du chômage.
"Une fois qu'ils auront reconstruit leur épargne, la consommation repartira", assure M. Menuet.

Analyste chez UBS à Londres, Stéphane Déo estime qu'une autre composante de la croissance répondra présent: l'investissement. Au plus fort de la crise, argumente-t-il, les entreprises ont gelé leurs dépenses au point de détruire leurs capacités de production. "La reprise de l'investissement sera nécessaire" pour répondre à la demande, aussi faible soit-elle, juge-t-il.
Evoquées avec insistance il y a encore quelques mois, les craintes d'une rechute de l'économie mondiale, selon le scénario catastrophe épousant la forme d'un "W", semblent bien loin...
Cet optimisme n'est toutefois pas unanimement partagé. Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet continue de clamer que "la route sera chaotique" et le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a appelé vendredi à "ne pas crier victoire".
Selon d'autres experts, cette prudence ne relève pas de la simple rhétorique: des forces tirent bien l'économie vers le haut mais de sérieuses zones d'ombre subsistent.
Les vastes plans de relance publics, qui ont soutenu l'activité ces derniers mois, vont bientôt s'estomper au risque de laisser un grand vide. "La demande finale (entreprises et ménages, ndlr) va rester atone. La phase de désendettement des acteurs n'est pas encore finie", analyse Sebastian Paris-Horvitz, stratégiste chez Axa.
Les ménages n'ont pas encore totalement réparé les dommages du "choc de richesse" causé par la chute de leurs actifs (actions et immobilier) et la hausse du chômage ne va les y aider, précise Jean-Luc Schneider, expert à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
D'autres périls guettent. Une remontée des cours du pétrole au-delà de son niveau actuel (80 dollars le baril) risquerait de gripper la reprise tandis qu'une poussée continue de l'euro par rapport au dollar pourrait porter un coup sévère aux exportations européennes.
Il faudra également gérer "une reprise désynchronisée", souligne M. Paris-Horvitz. Selon lui, le resserrement en ordre dispersé des politiques monétaires risque d'encourager des phénomènes de spéculation sur les changes au risque de créer une forte "volatilité".
"Le pire est derrière nous mais le plus dur n'est pas encore arrivé", résume dans une pirouette Véronique Riche-Florès, chef économiste à la Société Générale.