Les banques françaises ont brusquement accéléré le rythme de remboursement des aides de l'Etat, signe de la normalisation des marchés financiers et de la bonne santé générale du secteur dans l'Hexagone.
Alors que les plus hardis n'évoquaient jusqu'ici qu'un premier versement début 2010, Crédit Mutuel a remboursé jeudi 1,2 milliard d'euros qu'il devait à l'Etat et BNP Paribas a annoncé mardi qu'il en ferait autant fin octobre, pour 5,1 milliards.
D'autres pourraient leur emboîter le pas, à l'image de la Société Générale, dont le directeur général délégué, Séverin Cabannes, a indiqué jeudi que la banque pourrait restituer ses fonds à l'Etat d'ici la fin de l'année.
L'Etat a prêté au total 19,8 milliards d'euros aux banques françaises, avec intérêts, pour les aider à traverser la crise et à continuer à prêter aux entreprises et aux particuliers.
Pour Alain Tchibozo, analyste d'ING Financial Markets, leur empressement "doit vouloir dire que les résultats des banques sont superbes".
Déjà largement bénéficiaires au premier semestre, grâce au fort rebond des marchés, les résultats des banques pourraient poursuivre sur cette lancée.
Les établissements français ne sont pas les seuls à profiter de ce vent porteur.
Le néerlandais SNS Reaal et le norvégien DnB NOR, soutenus par leurs Etats respectifs, se préparent à lever des fonds pour commencer à rembourser leur dû, tandis que les Italiens Unicredit et Intesa Sanpaolo font, eux, appel au marché pour se passer de l'aide gouvernementale.
En France, alors que les banques s'efforcent de couper le cordon avec l'Etat, la vague de remboursements a relancé la polémique sur la stratégie du gouvernement, déjà critiqué il y a quelques mois pour le manque de contreparties exigées en échange de son soutien.
Le président socialiste de la commission des Finances, Didier Migaud, a estimé mercredi que l'Etat s'était "privé d'une somme considérable", environ 6 milliards d'euros, en raison des modalités de son entrée au capital de BNP Paribas.
En choisissant de souscrire des actions dites "de préférence" dont le prix est fixé d'avance, le gouvernement n'a pas pu profiter du doublement du cours des titres BNP Paribas en six mois.
La ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a fait valoir que le gouvernement n'avait "pas fait de la spéculation" et que son objectif était de "limiter le risque pour l'Etat et d'encaisser des intérêts", soit environ 1,4 milliard d'euros en brut.
Interrogé jeudi par l'AFP, M. Migaud a souligné qu'en 2004, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, avait permis à l'Etat de réaliser une plus-value au terme du sauvetage du groupe industriel Alstom.
"C'est grâce au soutien de l'Etat que le cours de l'action (des banques cotées, ndlr) a augmenté", argumente le député PS, estimant "légitime que l'Etat puisse en avoir un retour".
Un constat tempéré par le président centriste de la commission des Finances du Sénat, Jean Arthuis, qui souligne le coût élevé des aides pour les banques, "alors qu'on peut se financer aujourd'hui à des taux biens moindres".
En outre, pour lui, toutes les banques françaises "n'avaient pas vraiment besoin" de ces aides.
Si toutes sont allées chercher de l'argent de l'Etat, c'est, selon lui, pour éviter notamment de stigmatiser les établissements en difficulté, comme la Caisse d'Epargne.
Un constat que ne partage pas M. Tchibozo: "elles en avaient toutes besoin" à l'époque, estime-t-il.