
Faisant fi de leurs promesses de solidarité européenne, les pays de l'UE se déchirent à propos du sévère plan de restructuration programmé chez le constructeur automobile Opel, l'Allemagne étant accusée de privilégier ses intérêts nationaux.
"En termes de politique européenne coordonnée et de solidarité entre pays européens, j'ai déjà vu beaucoup mieux", a dénoncé vendredi la ministre belge de l'Emploi Joëlle Milquet.
"Il faut éviter que des mesures protectionnistes viennent sauvegarder l'activité dans un pays et la détruire dans l'autre", lui a fait écho son collègue en charge des Finances, Didier Reynders.
La Belgique a des raisons d'être amère: elle risque d'être la principale victime de la cure d'amaigrissement prévue par le repreneur choisi jeudi pour Opel, l'équipementier canadien Magna, qui semble vouloir supprimer 10.000 emplois en Europe.
L'Allemagne, qui pilotait les négociations sur la reprise d'Opel, est apparemment le seul pays à avoir obtenu la garantie que ses 4 usines Opel seraient conservées.
En revanche, la fermeture progressive de l'usine belge d'Anvers, qui emploie 2.600 personnes dans la région néerlandophone de Flandre (nord), a été annoncée jeudi. Même si une source proche du dossier assurait vendredi que Magna essaie toujours de trouver une solution pour le site.
En Espagne, on parle de 1.700 suppressions d'emplois sur 7.000 dans l'usine de Figueruelas près de Saragosse (nord).

Et la Pologne, qui semble pour l'instant épargnée, reste méfiante: son ministère de l'Economie a dit espérer vendredi "que les démarches ultérieures à l'égard des entreprises du groupe Opel en Europe reposeront sur des critères économiques", insistant sur la modernité de son usine de Gliwice (sud).
En Belgique, la presse voit dans la sauvegarde des sites allemands l'effet direct des 4,5 milliards d'euros d'aides publiques promis par Berlin, contre lesquels les 500 millions offerts par la région de Flandre ne pèsent pas lourd.
"Ce qui risque de se passer constitue, dans tous les cas, la preuve qu'en l'absence d'approche européenne, les petits pays payent les pots cassés", a déploré l'ancien Premier ministre belge et président du groupe libéral au Parlement européen, Guy Verhofstadt.
Il veut en débattre au Parlement européen et "exiger de la Commission européenne qu'elle lance une enquête pour vérifier que toutes les règles ont bien été suivies".
La Commission, censée assurer la concurrence dans l'UE, s'est contentée d'un avertissement voilé envers l'Allemagne.
"Toute aide financière potentielle des autorités publiques doit être totalement compatible avec les règles de l'UE", a déclaré vendredi son porte-parole Johannes Laitenberger.
"En particulier, les aides publiques ne peuvent pas être soumises à des conditions supplémentaires, non économiques, concernant la localisation des investissements et/ou la distribution géographique des mesures de restructurations".
Le porte-parole a reconnu que "des Etats membres ont exprimé des opinions et des inquiétudes", mais sans pour l'instant déposer de "plainte formelle".
En attendant les détails lui permettant de vérifier si les règles européennes ont bien été respectées, la Commission a proposé de convoquer "dès que cela sera approprié" une nouvelle réunion ministérielle de concertation entre les pays concernés par le dossier Opel.
Elle risque toutefois de ne pas avoir plus de résultats concrets que lors de celles déjà organisées ces derniers mois, et auxquelles le ministre allemand de l'Economie n'avait même pas toujours assisté.