La part des salaires dans la valeur ajoutée est restée "assez stable" ces 20 dernières années, mais le pouvoir d'achat des salariés a peu augmenté en raison de la montée des emplois moins rémunérés et d'une faible croissance, a déclaré mercredi Jean-Philippe Cotis (Insee).
Le rapport du directeur général de l'Insee, remis mercredi matin à Nicolas Sarkozy, sur le partage de la valeur ajoutée et des profits fait "le constat d'un partage de la valeur ajoutée assez stable au cours des 20 dernières années, avec un tiers destiné aux profits et deux tiers à la masse salariale", a-t-il indiqué lors d'une conférence de presse.
Ce rapport entend répondre à "une interrogation centrale: comment se fait-il que le pouvoir d'achat des salariés a augmenté si modestement au cours des 25 dernières années?", a souligné M. Cotis, précisant que "le pouvoir d'achat du salaire net n'a augmenté en moyenne que de 0,8% par an" sur cette période.
Une explication tient à "l'épuisement du +grain à moudre+ au sens d'André Bergeron" (ex-secrétaire général de FO), a observé le directeur général de l'Insee, expliquant que le surplus de productivité qu'on peut distribuer pour accroître les rémunérations des salariés est trois fois moins élevé que dans les années 1980.
Autre raison de la quasi stagnation salariale: "l'économie française a généré de fortes créations d'emplois après une période d'atonie mais des emplois à faible qualification et à durée de travail incomplète, ce qui a stimulé la croissance de la masse salariale mais déprimé la rémunération par tête", a-t-il ajouté.
Le rapport montre aussi que lors des 20 dernières années, les salaires des moins rémunérés ont progressé plus vite que pour les Français du milieu de l'échelle en raison des revalorisations du Smic.
Et tout en haut de l'échelle, notamment pour le millième de la population la mieux rémunérée, ils ont progressé "extrêmement vite, beaucoup plus vite que pour le reste des rémunérations françaises", a noté M. Cotis.
"C'est pour ça que le salarié médian se sent à la fois rejoint et distancé et c'est sans doute une des explications du malaise actuel. Dans un univers très contraint avec des gains de productivité très faibles, les conflits sur les différences de répartition des revenus sont probablement assez inévitables", a-t-il estimé.
Dans la période récente, une part accrue du profit a aussi été reversée aux actionnaires par le biais des dividendes, "calculés à partir de la valeur boursière des actions des entreprises, qui avait beaucoup augmenté", selon lui.
Avec la crise, "on va aller vers une normalisation: il y aura moins de dividendes car le phénomène s'inverse quand la capitalisation boursière s'effondre. Mais cela ne veut pas dire que le partage de la valeur ajoutée va changer", a prévenu M. Cotis.