
Pressée d'agir depuis des mois, la Commission européenne a finalement fait mercredi des propositions pour encadrer les fonds spéculatifs accusés d'avoir amplifié la crise financière, mais beaucoup jugent son approche encore trop timide.
"Nous sommes les premiers au niveau mondial à proposer une régulation pour les fonds spéculatifs, mais maintenant nous espérons que d'autres vont nous rejoindre", a déclaré le président de la Commission, José Manuel Barroso.
Le commissaire irlandais Charlie McCreevy, chargé des services financiers et partisan de l'autorégulation, a pourtant beaucoup traîné des pieds pour légiférer, même après un coup de semonce en septembre du Parlement européen.
"Les fonds spéculatifs ne sont pas la cause de la crise actuelle", a-t-il réaffirmé mercredi.
Il a cependant concédé qu'ils "peuvent présenter des risques pour les marchés financiers", notamment avec l'"effet levier" provoqué par leur recours massif à l'endettement.
Il propose désormais d'obliger les gestionnaires de fonds à demander une autorisation d'exercer dans l'UE. Ils devront aussi respecter certaines règles de transparence, notamment sur leur endettement, et obtiendront en échange un "passeport européen" permettant de commercialiser leurs fonds dans toute l'UE.
La mesure vaudra pour tous les gestionnaires de fonds dits "alternatifs" à partir de 100 millions d'euros d'actifs dans leur portefeuille: les fameux "hedge funds", mais aussi ceux qui investissent dans l'immobilier, les matières premières, les sociétés non cotées...
Cela permettra selon Bruxelles de toucher 90% des actifs gérés par des fonds spéculatifs dans l'UE.
Les gestionnaires aux pratiques moins risquées, qui s'engagent pour au moins cinq ans et renoncent à l'effet levier, ne seront eux touchés qu'à partir de 500 millions d'euros.
Charlie McCreevy espère ainsi "capturer les segments les plus importants pour la stabilité du marché sans trop plomber les petites entreprises" qui ont souvent recours au capital-risque pour se financer.
"Notre objectif n'est pas de faire fuir le secteur d'Europe," a-t-il prévenu, rappelant l'importance des fonds alternatifs, qui représentent un marché de 2.000 milliards d'euros dans l'UE, "surtout actuellement quand les banques restreignent leurs prêts".
Le projet avait été critiqué d'emblée par certains eurodéputés et pays comme la France et l'Allemagne, qui pourront encore retoucher la copie de Bruxelles.
La ministre française des Finances Christine Lagarde avait notamment craint "qu'on ouvre la porte à l'arrivée en Europe d'un fonds des îles Caïman qui n'aura jamais été contrôlé directement par l'UE".
Les propositions "sont positives", mais le risque d'accorder un passeport à des fonds offshore "pose un problème", jugeait encore mercredi une source diplomatique allemande.
Pour calmer ces inquiétudes, Bruxelles prévoit d'attribuer pendant les trois premières années le passeport européen aux seuls fonds domiciliés en Europe.
Le passeport s'étendrait ensuite aux "fonds des pays tiers qui respectent des règles strictes de régulation, de supervision et de coopération, y compris en matière fiscale", selon M. McCreevy, qui évoque "un important signal politique aux centres offshore".
"Cette directive a plus de trous qu'un fromage suisse", a pourtant déploré le leader du Parti socialiste européen, le Danois Poul Nyrup Rasmussen, dénonçant "une régulation inadéquate" où "les fonds eux-mêmes échappent à la régulation".
Pour Florence Lombard, directrice exécutive de l'association représentant les fonds alternatifs AIMA, les propositions vont au contraire déjà trop loin et ne sont "pas une réponse proportionnée à aucune des causes identifiées de la crise".