Voici des réactions d'économistes après l'annonce par l'Insee d'une légère remontée du moral des ménages français en avril:
- Alexandre Mirlicourtois (Xerfi):
La confiance n'est toujours pas là. Certes, après avoir touché un point bas en juillet dernier (-47) et être restée quasiment scotchée à ce niveau jusqu'à la fin de l'année, une timide amélioration est apparue. Mais nous sommes plus sur des micromouvements que sur une reprise ample et massive, signe d'un changement radical de la trajectoire: en avril, l'indicateur indique -41 ce qui est loin, très loin de sa moyenne de longue période.
Le chômage reste au coeur des préoccupations des Français: leurs anticipations en la matière sont particulièrement dégradées et reviennent à leurs plus hauts niveaux historiques. Et comment pourrait-il en être autrement ? Les chiffres depuis le début de l'année sont catastrophiques: en trois mois, le nombre de demandeurs d'emplois (catégorie A) s'est envolé de 233.300 personnes. Si les trimestres suivants se passaient au même rythme, le bilan annuel serait tout bonnement effroyable avec 933.200 chômeurs de plus. Un scénario noir, peu probable (les hausses mois après mois deviennent moins intenses) qui hante néanmoins tous les esprits et qui pèse sur les anticipations des ménages et in fine sur leurs comportements en matière de dépenses: l'opportunité de faire des achats importants s'est repliée en avril, passant de -29 à -31.
Pourtant, la consommation en produits manufacturés a tenu au mois de mars et le bilan du 1er trimestre est positif (+0,4% en volume par rapport à la fin 2008). Mais nous sommes là sur l'épaisseur du trait. Surtout cela concerne à peine plus du quart des dépenses totales dont l'un des segments (l'automobile) a été soutenu à bout de bras par les pouvoirs publics. A entendre les grands spécialistes de l'alimentaire (supers et hypermarchés), de la restauration-hôtellerie ou du logement, le son de cloche est totalement différent: les ménages dépensent moins (beaucoup moins). La faute d'abord à un pouvoir d'achat en berne. Les prévisions des Français en matière de niveau de vie restent d'ailleurs bloquées à bas niveau même si les ménages ont pris acte de la baisse des prix et qu'ils anticipent la poursuite du mouvement: les chiffres leur donnent totalement raison puisqu'en mars l'inflation est tombée à 0,3% et qu'il n'est pas improbable qu'elle passe temporairement en territoire négatif. La faute ensuite à un environnement calamiteux qui pousserait plus à se constituer un matelas de sécurité (épargne de précaution) qu'à dépenser plus. Certes, l'opportunité d'épargner s'est repliée en avril, mais il s'agit là certainement plus d'une réaction épidermique à l'annonce de la baisse du taux du livret A que d'un mouvement de fond.
Avant que la reprise ne se manifeste concrètement, il faut d'abord y croire.
Or, les Français n'y croient pas encore. Mais ils écartent aussi l'hypothèse d'un scénario catastrophe. Les changements d'anticipations ne pourront venir que d'un choc psychologique et/ou de l'amélioration du marché du travail. Or à court terme, ni l'un ni l'autre ne semblent pouvoir se manifester.
- Cyril Blesson (Seeds Finance):
La confiance des ménages poursuit sa légère amélioration à des niveaux historiquement déprimés. Bien que les ménages soient légitimement très inquiets sur les perspectives du chômage, ils ont pleinement conscience de la désinflation en cours des prix à la consommation. Cela évite une rechute vers les plus bas historiques de leur niveau de confiance.
Niveau de confiance et chômage vont de pair historiquement. Les chiffres publiés hier sur le front du chômage conforteront leurs inquiétudes. Or historiquement, c'est l'évolution du chômage qui est la variable la plus déterminante de leur niveau de confiance. Or, comme le marché du travail est une variable retardée de l'activité, il ne faut pas sattendre à une embellie significative de la confiance des ménages avant le début 2010 au plus tôt.
Confiance basse et consommation élevée sont possibles quand le crédit est dynamique. Entre 2003 et 2006, la consommation des ménages a crû en volume au rythme de 2.5% l'an, malgré une progression des revenus faibles et une confiance dégradée. Cela fut rendu possible par une dynamique très forte du crédit aux ménages sur la période et son corolaire, une baisse du taux d'épargne. Or la production de crédit aux ménages est en recul de 25,9% sur 1 an !
Certes pour l'instant la consommation en produits manufacturés résiste grâce à la prime à la casse et à la désinflation en cours, mais les risques d'une remontée de l'épargne de précaution (en partie suggéré par l'envol des encours du livret A) et d'une baisse de la consommation d'ensemble sont bien là.