
Le patron des chemins de fer allemands, dernier grand monopole public du pays, a démissionné lundi suite à une série de scandales d'espionnage de ses salariés, et sa succession s'annonce comme un casse-tête politique en pleine année électorale.
"J'ai proposé ma démission au président du conseil de surveillance", l'organe de contrôle de l'entreprise, a dit Hartmut Mehdorn, 66 ans, assurant d'une voix blanche qu'il n'avait "rien à se reprocher".
"Les condamnations sans preuve, les soupçons et les spéculations ont pris une dimension qui est devenue difficile à supporter", a indiqué celui qui a fait d'un monopole public vieillot une multinationale respectée.
Sous sa direction, depuis 1999, Deutsche Bahn a renoué avec les bénéfices et doublé son chiffre d'affaires.
"Je pars du principe qu'un successeur sera nommé avant les vacances d'été", a-t-il ajouté, visiblement amer et ému.
Le gouvernement allemand a ensuite sobrement indiqué dans un communiqué qu'il "prenait acte" de la démission et "allait se pencher" sur la recherche d'un successeur.
La pression sur M. Mehdorn était devenue intenable depuis des informations de presse la semaine dernière sur un contrôle des courriers électroniques échangés entre des salariés et des journalistes, et sur un blocage supposé d'emails syndicaux, nouveaux avatars d'un scandale d'espionnage qui durait depuis des mois.
M. Mehdorn a justifié ces pratiques par la "lutte contre la criminalité économique" et souligné qu' "aucune violation de la loi n'avait été trouvée."
Sous la présidence Medhorn, Deutsche Bahn avait déjà choqué en prévoyant de généreuses primes pour sa direction en cas d'introduction en Bourse, un projet cher au démissionnaire mais qui n'a pas vu le jour.
La compagnie est aussi impopulaire pour ses retards et ses tarifs en constante augmentation.
Longtemps soutenu par la chancelière conservatrice (CDU) Angela Merkel et jugé proche de la droite, M. Mehdorn était en revanche critiqué par les sociaux-démocrates, qui gouvernent avec la CDU, et par l'opposition, qu'il s'agisse des Verts ou des Libéraux du FDP.
Dans une interview parue dimanche il s'est dit victime d'une "tentative de virage à gauche." Le député de la CSU (branche bavaroise de la CDU de Mme Merkel) Andreas Scheuer a quant à lui reproché lundi au parti social-démocrate d'avoir "scié la branche" de M. Mehdorn.
Dans cette ambiance et à six mois d'élections législatives, trouver un successeur au patron de la dernière grande entreprise publique du pays va relever de l'équilibrisme politique.
Les spéculations vont déjà bon train: le porte-parole d'Angela Merkel a démenti une information de presse selon laquelle la chancelière soutiendrait la candidature du patron de l'avionneur Airbus, Thomas Enders, considéré comme proche du parti conservateur.
Une rencontre au sommet sur cette question de succession serait prévue mardi en soirée à la chancellerie, avec en particulier Mme Merkel et son futur adversaire aux législatives, le ministre des Affaires étrangères social-démocrate Frank-Walter Steinmeier.
Berlin pourrait temporiser en nommant un patron de transition jusqu'aux élections de septembre, mais cette solution précaire ne serait pas idéale alors que Deutsche Bahn fait face à un effondrement du fret et à une concurrence sérieuse pour le transport local de passagers.
"Un vent glacé nous souffle dans la figure et nous ne savons pas s'il ne va pas se transformer en ouragan", a dit lundi M. Mehdorn, ajoutant: "Changer de direction dans un tel environnement ne va pas sans risque. Mais ce sera à d'autres d'en prendre la responsabilité."