La Banque d'Angleterre (BoE) a baissé jeudi ses taux à un nouveau plus bas, qui pourrait constituer un plancher, et sorti ses dernières munitions face à la crise qui frappe le Royaume-Uni: elle va créer de la monnaie pour stimuler l'économie et dégripper la machine du crédit.
Sans aucune surprise, la Banque d'Angleterre a baissé son taux directeur d'un demi-point, à 0,50%, pour soutenir l'économie britannique. Il s'agit de la sixième baisse d'affilée depuis octobre, lorsque son taux était encore à 5%.
"Bien que le communiqué ne précise pas explicitement que cette baisse marque le fin d'un cycle d'assouplissement monétaire (entamé en décembre 2007, ndlr), la BoE rechigne à ramener son taux à zéro", estime Grégory Claeys, économiste chez Calyon. Selon lui, les taux britanniques ne descendront dorénavant pas plus bas.
Mais les projecteurs des économistes se sont braqués sur les mesures non conventionnelles annoncées jeudi : l'institution a donné le coup d'envoi à une politique monétaire dite "d'assouplissement quantitatif".
Cela "représente une étape symbolique dans les politiques adoptées contre la crise du crédit et la récession qui en résulte", estime Roger Bootle, économiste du cabinet Deloitte.
En clair, la Banque va émettre de la monnaie pour débloquer le sytème du crédit. Avec de l'argent fraîchement créé à cet effet, elle va racheter des emprunts d'Etat et des obligations d'entreprises aux banques. Abreuvées de liquidités, ces dernières devraient donc moins rechigner à accorder des crédits aux particuliers et aux entreprises, ce qui est le but de l'opération.
"Le Comité a résolu de prendre d'autres mesures monétaires, avec pour objectif de stimuler l'offre d'argent et de crédit, et, par là, d'augmenter la croissance des dépenses à un niveau correspondant à la cible de l'inflation à moyen terme", résume le communiqué de la BoE.
Celle-ci a dévoilé le montant des rachats d'actifs, qui alimentait les spéculations : elle prévoit d'y consacrer jusqu'à 75 milliards de livres (84 milliards d'euros), soit la moitié du montant maximum qui lui a été consenti par le ministre des finances Alistair Darling.
"Les 75 milliards que le Comité de politique monétaire va utiliser dans un premier temps sont un bon point de départ pour tenter d'injecter de l'argent dans le système", a commenté Hetal Mehta, économiste d'un cercle de réflexion chez Ernst & Young.
"Comme personne ne sait quel est le montant d'argent nécessaire, la décision d'utiliser la moitié du montant alloué est raisonnable", explique-t-elle.
"Cela pourrait ne pas suffire", juge toutefois Roger Bootle.
"Les banques pourraient simplement s'asseoir sur leurs nouvelles réserves plutôt que de les utiliser pour prêter plus", a-t-il rappelé.
Ces actifs seront principalement des emprunts d'Etat, mais ils comprendront aussi des obligations d'entreprise, comme s'y est engagé le gouverneur de la BoE Mervyn King.
Avec ces annonces, la BoE rejoint la Réserve fédérale américaine (Fed) qui a annoncé de telles mesures fin 2008.
L'ampleur de la récession économique au Royaume-Uni oblige l'institution à employer les grands moyens. Le PIB britannique s'est contracté de 1,5% au quatrième trimestre 2008, le pays entrant ainsi en récession pour la première fois depuis 1991. Dans son scénario le plus pessimiste, la BoE a même averti que la contraction de l'activité pourrait atteindre 6% sur un an courant 2009.
De son côté, la Banque centrale européenne (BCE) a baissé jeudi ses taux d'intérêts d'un demi-point à 1,50%, comme les économistes s'y attendaient, et son président Jean-Claude Trichet a annoncé qu'elle n'excluait pas d'adopter à son tour des mesures d'assouplissement quantitatif pour stimuler l'économie.