La baisse historique de production de 2,2 millions de barils annoncée par l'Opep mercredi à Oran devrait aider les prix du pétrole à se stabiliser autour de leurs niveaux actuels, mais a peu de chances de les ramener aux 75 dollars souhaités par le cartel, estiment des experts.
Calculée sur le niveau de production réel de septembre, cette baisse de 2,2 mbj, la troisième en quatre mois, est la plus importante décidée depuis 1982.
L'Organisation des pays exportateurs de pétrole qui, selon ses habitudes, a savamment entretenu le flou autour des chiffres, a ramené son objectif de production à 24,84 millions de barils, contre 27,3 précédemment. Cela revient dans les faits à une réduction de 2,5 mbj des quotas.
Alors que la riposte de l'organisation visait à défendre des prix massacrés, les cours sont passés mercredi soir sous le seuil de 40 dollars, pour la première fois depuis juillet 2004 à New York.
Toutefois, nombre d'analystes estiment que l'annonce devrait empêcher les cours de descendre encore dans les étages inférieurs des enfers.
Frappés par une contraction historique de la demande et par la fuite des investisseurs spéculatifs, les prix du brut ont perdu plus de 70% de leur valeur en l'espace de cinq mois, passant de près de 150 dollars à moins de 40 dollars.
"La réduction va contribuer à équilibrer le marché, et, de ce fait, aider les prix à trouver un plancher", estime Simon Wardell, du cabinet londonien Global Insight.
"Un rebond vers le niveau de prix que l'Opep aimerait obtenir, 70 à 80 dollars, prendra du temps", nuance-t-il toutefois.
La réduction annoncée "devrait être amplement suffisante pour empêcher les prix de tomber plus bas en 2009", confirme Torbjorn Kjus, du courtier norvégien DnB NOR Markets.
Mais les profondes inquiétudes persistant sur la demande devraient toutefois freiner un rebond significatif des prix.
L'analyste indépendant John Hall a souligné ainsi à Oran qu'à "plus long terme, les gens vont regarder quel sera l'équilibre entre l'offre et la demande".
"Le problème qui subsiste est qu'aujourd'hui personne n'est en mesure de faire un pronostic fiable sur l'économie mondiale, et, par défaut, sur le niveau de la demande mondiale", renchérit Olivier Jakob, du cabinet suisse Petromatrix.
Plus confiant dans la capacité du marché à rebondir, les analystes de Barclays Capital jugent pour leur part que la décision de l'Opep s'est fondée sur "le pire des scénarios possibles pour la demande, qui la laisserait chuter de 3 ou 4 millions de barils par jour".
Autre élément de nature à limiter l'impact positif de la décision de l'Opep sur les prix : les opérateurs doutent fortement de la capacité de l'Organisation à respecter ses propres consignes.
L'histoire de l'Opep a en effet montré que durant les périodes de chute des prix, ses membres, à l'exception notable des Saoudiens, étaient tentés de ne pas respecter les baisses de production pour maintenir leurs entrées de devises.
"L'Opep a échoué à convaincre (...) qu'elle peut retirer 4,2 millions de barils" du marché", tranche le courtier américain Stephen Shork.
Quant à la participation des pays non-membres du cartel, elle n'a pas été prise au sérieux par le marché.
La Russie et l'Azerbaïdjan se sont dits prêts à réduire leur offre pour soutenir le cartel dans ses efforts de stabilisation des prix, mais l'Opep n'a obtenu aucun accord formel.
"La Russie, premier producteur hors-Opep, s'est abstenue de s'engager fermement à réduire ses approvisionnements", souligne ainsi le cabinet viennois JBC Energy, tout en observant que le déclin naturel des gisements russes allait équivaloir à une aide involontaire de la Russie.