Le ton est brutalement monté vendredi entre la SNCF et sa grande rivale allemande, la Deutsche Bahn (DB), preuve que les hostilités ont réellement démarré, à un an de l'ouverture des lignes internationales de transport ferroviaire de voyageurs en Europe.
Le Financial Times (FT) a révélé vendredi que les chemins de fer italiens et allemands avaient adressé un courrier à la Commission européenne pour se plaindre du manque de concurrence en Europe.
Selon le patron des chemins de fer italiens cité par le quotidien britannique, cette initiative vise en premier lieu la SNCF.
Tout en considérant que cette missive "s'adressait d'abord aux pouvoirs publics" plutôt qu'aux entreprises ferroviaires, Guillaume Pepy a concentré ses attaques sur le patron de la Deutsche Bahn.
Selon M. Pepy, "les hostilités ont commencé".
Hartmut "Mehdorn tient un discours de coopération mais dans la réalité (...) c'est très agressif", a déclaré le président de la SNCF lors d'une rencontre avec la presse consacrée au train à grande vitesse Eurostar, dont il est aussi le président.
Dans leur courrier, Italiens et Allemands font valoir que certains pays européens ont d'eux-mêmes ouvert leur marché ferroviaire de voyageurs et réclament donc que les autres en fassent autant, proposant même la date de 2012, selon le FT.
"Certains pays comme l'Italie ou l'Allemagne ont ouvert le marché du transport de passagers, mais d'autres pas du tout", a ainsi souligné un porte-parole de la DB interrogé par l'AFP.
"La situation n'est pas homogène et cela a des conséquences très négatives sur la libre concurrence", a-t-il ajouté, soulignant que la France n'était pas citée dans le courrier.
Les lignes internationales doivent s'ouvrir à la concurrence le 1er janvier 2010 mais aucune date n'est officiellement avancée pour les lignes intérieures. Le fret est complètement libéralisé en Europe depuis début 2007.
Autre pomme de discorde franco-allemande: Eurostar.
Interrogé sur un article du quotidien britannique The Times affirmant que la Deutsche Bahn aimerait racheter la participation britannique dans le train à grande vitesse, M. Pepy a jugé que cela serait "prématuré, prétentieux et arrogant", rappelant que les britanniques n'avaient "pas annoncé la cession d'Eurostar UK".
"Quand on parle au consommateur, il ne s'agit pas de sortir son carnet de chèque", a-t-il lancé, car "la question c'est +est-ce qu'il y aurait un meilleur service" Eurostar si la DB entrait dans la société.
Selon lui, "la Deutsche Bahn a décidé d'utiliser le juridique comme stratégie de conquête" du marché européen, évoquant encore un autre sujet de discorde: l'annulation jeudi par le tribunal administratif de Bordeaux du contrat de transports publics attribué en octobre à Keolis, filiale de la SNCF exploitant notamment des lignes de bus, après saisie par une filiale de la DB.
Enfin, M. Pepy a accusé une autre filiale de la DB d'avoir piraté le réseau internet de la SNCF pour débaucher des conducteurs du fret.
Grandes rivales, la DB et la SNCF avaient pourtant affiché jusqu'ici une certaine entente notamment via leur coopération pour exploiter la ligne à grande vitesse Est.
Mais leur rivalité s'est exacerbée dernièrement, notamment sur le terrain du fret, une activité qui plombe la SNCF mais qui sourit à la DB.
L'achat par la SNCF de 20% du capital de l'opérateur privé italien NTV spécialisé dans les trains à grande vitesse, que convoitait aussi la DB, explique selon Guillaume Pepy l'attitude des Allemands.