Les pays de la zone euro ont pris leurs distances lundi soir avec l'objectif fixé par Bruxelles d'un plan de relance économique de 200 milliards d'euros face à la récession, certains gouvernements se demandant si la barre n'a pas été fixée un peu haut.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro Jean-Claude Juncker a ainsi refusé lundi soir, à l'issue d'une réunion avec ses collègues, de reprendre à son compte ce montant global pour l'UE, proposé la semaine dernière par la Commission européenne.
"Je ne mettrai pas trop l'accent sur ce chiffrage, l'important c'est la direction, et que tout le monde soit d'accord pour faire un effort important", a-t-il déclaré à la presse.
"Il est plus important de coordonner les plans nationaux que de se mettre d'accord de manière théorique sur un chiffrage exact", a-t-il ajouté, dans une critiqué à peine voilée à l'adresse de l'exécutif européen.
Selon lui, les pays de la zone euro ont "estimé tous que d'une façon générale les propositions de la Commission vont dans la bonne direction".
De même, "nous sommes d'accord sur les éléments qualitatifs du plan" de Bruxelles, a encore dit M. Juncker, c'est à dire les propositions concernant le contenu des mesures (davantage de dépenses publiques, baisse des taxes sur les bas salaires, investissement dans les économies d'énergie etc...). Mais pas forcément sur l'objectif quantitatif.
La Commission, dans ses propositions de relance mercredi dernier, avait suggéré une enveloppe de 200 milliards d'euros (1,5% du Produit intérieur brut moyen de l'UE), financée pour l'essentiel, à hauteur de 170 milliards d'euros, par les gouvernements nationaux. Le reste venant de fonds européens.
"Il y a un débat qui est: comment mesurera-t-on ces 1,5%?" de contribution, a reconnu une source européenne proche des discussions, "sachant que les efforts qui seront faits par chacun des Etats seront différents".
"On ne pourra en avoir une vision consolidée essentiellement qu'a posteriori", a-t-elle ajouté, semblant indiquer que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, qui auront à se prononcer sur le plan de Bruxelles lors de leur sommet des 11 et 12 décembre, pourraient se montrer prudents sur l'objectif chiffré.
"Certains Etats ne pourront pas suivre cette ligne" fixée par la Commission, "les Etats baltes ou la Hongrie" qui vient de traverser de fortes turbulences financières. Ils pourraient s'exprimer à ce sujet mardi lors d'une réunion de ministres de l'économie de l'ensemble de l'UE.
Le commissaire européen aux Affaires économiques, Joaquin Almunia, s'est défendu en réfutant l'idée selon laquelle l'objectif de 200 milliards serait d'ores et déjà enterré.
"Je ne suis pas d'accord", a-t-il dit, se disant persuadé qu'au final, une fois que tous les plans nationaux seraient dévoilés, le chiffre global serait "proche" de l'objectif initial.
Mais les réserves de plusieurs gouvernements sont palpables. L'Allemagne, sous pression de ses partenaires européens pour mettre davantage la main au portefeuille pour la relance, s'y refuse catégoriquement.
"Nous ne participerons pas à une course insensée à des milliards" de dépenses, a prévenu la chancelière Angela Merkel à Berlin.
"Nous avons déjà fait beaucoup", a estimé pour sa part le ministre néerlandais des Finances, Wouter Bos, à Bruxelles.
Certains pays d'Europe de l'Est, comme la Pologne ou la République tchèque, refusent de laisser filer les déficits pour doper l'activité, alors qu'ils cherchent à se qualifier pour l'adhésion à l'euro, qui suppose une stricte maîtrise des dépenses publiques.