
Le mécontentement des actionnaires du bancassureur Fortis était largement perceptible lundi, lors de l'assemblée générale à Utrecht, au cours de laquelle la direction s'est vue reprocher sa "mauvaise gestion".
Cette assemblée, réunissant quelques centaines d'actionnaires représentant 21% du capital pour évoquer le démantèlement du groupe et désigner un nouveau conseil d'administration, a démarré de manière houleuse, certains actionnaires huant les administrateurs.
"Allez-vous enfin reconnaître vos erreurs et admettre que la direction a réduit la banque à rien et trompé les actionnaires?", a demandé un "petit actionnaire particulier".
"Pouvez-vous nous expliquer comment on peut dire que +tout va bien+ et peu après se retrouver au bord du gouffre?", a demandé un autre.
"Pourquoi avoir refusé des assemblées générales alors que tout n'était pas encore perdu? Et pourquoi redoutez-vous une enquête sur la gestion?", a demandé un troisième.
Attentifs et graves, les administrateurs ont recu des reproches toute la journée, répondant tant bien que mal aux questions.
Le président de l'assemblée, Jan-Michiel Hessels, a estimé dès l'ouverture que "personne ici n'est satisfait". Il a tenté de justifier les décisions de la direction depuis qu'en mai 2007, Fortis a décidé de racheter les activités néerlandaises de la banque ABN Amro.
Plusieurs porteurs estiment que la direction n'a pas dévoilé l'ampleur du gouffre financier dans lequel cet achat a plongé la banque, alors que s'amorçait la crise financière.
Lors du vote sur le nouveau conseil d'administration trois des cinq personnes proposées ont été élues: l'homme politique et homme d'affaires belge Etienne Davignon comme président, Louis Cheung et Karel de Boeck, qui sera PDG.
Le vote mardi de l'assemblée générale convoquée à Bruxelles doit cependant confirmer le vote d'Utrecht pour être définitif.
A la sorte de l'assemblée, M. Davignon a estimé que ce conseil "peut donner de la valeur à Fortis", et qu'il présentera d'ici la prochaine AG d'avril 2009 un plan stratégique. Son mandat sera alors à nouveau soumis aux actionnaires.
La solvabilité défaillante de Fortis avait provoqué début octobre l'intervention de la Belgique qui a revendu les activités belges du groupe à BNP Paribas, et la nationalisation des activités néerlandaises par La Haye, qui a annoncé le lancement d'une nouvelle banque où les activités néerlandaises de Fortis et d'ABN Amro seront fusionnées.
"Nous sommes désolés du déroulement des événements", a assuré M. Hessels, soutenant cependant que "la direction a fait le bon choix" en achetant ABN Amro.
Jan-Michiel Hessels a admis que la crise financière "que nous avons sous-estimée (...) a malheureusement compliqué les choses".
Evoquant l'effondrement de la solvabilité du groupe, M. Hessels a admis que "après coup, ABN Amro était une transaction ambitieuse (...) probablement payée trop cher (...) et qui a périclité dans le contexte économique qui a suivi".
Il a reconnu que la direction "a commis des erreurs de communication" lors de l'augmentation de capital lancée le 26 juin afin de se renflouer, provoquant le début de l'effondrement de l'action.
"Nous avons tout perdu, nous avons dû vendre notre appartement. Ce que nous voulons, c'est récupérer notre argent", ont déclaré à l'AFP deux retraités, Joke et Kees van Roosmalen.
Cette assemblée générale est la première depuis le démantèlement du groupe début octobre. Une autre assemblée générale, avec le même ordre du jour, est prévue mardi à Bruxelles.