
La crise s'est à nouveau brutalement imposée sur les marchés financiers qui ont dévissé jeudi, malgré une baisse des taux décidée par la BCE et la Banque d'Angleterre (BoE) pour tenter de ranimer une économie promise, selon le FMI, à une longue période de turbulence.
Pour la deuxième fois en un mois, la Banque centrale européenne a abaissé son principal taux directeur d'un demi point cette fois, à 3,25%. Son président Jean-Claude Trichet a même déclaré qu'il ne pouvait pas exclure une autre baisse.
La BoE a agi de façon encore plus hardie à Londres, en réduisant son taux directeur d'un point et demi à 3% --du jamais vu depuis 1981.
Mais, loin de doper les marchés, ces baisses concomittantes à de désastreuses prévisions du FMI, ont été suivies d'un effondrement de toutes les places européennes:
A la clôture, Londres était en recul de 5,70%, Francfort de 6,84% et Paris de 6,38%, tandis que Madrid finissait à -6,27% et Milan à -5,06%. La dégringolade était encore plus spectaculaire à Budapest ou Oslo, atteignant près de 10%.
Au lendemain d'une rechute, Wall Street plongeait encore: A mi-séance, vers 16H30 GMT, le Dow Jones perdait 2,50% et le Nasdaq 2,50% également.

Sao Paulo, plus grande place sud-américaine, avait elle aussi ouvert en baisse de 2,29%.
Après avoir flambé pendant deux jours, les Bourses asiatiques avaient elles aussi durement rechuté jeudi, Tokyo perdant 6,53%, Hong Kong 7,08% et Séoul 7,56%. Shanghai ne lâchant que 2,44%.
"On dirait que les investisseurs se sont réveillés et se sont aperçus que l'arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche n'allait pas tout transformer du jour au lendemain", a ironisé Lee Sun-Yup, analyste chez Goodmorning Shinhan Securities à Séoul, en évoquant la victoire du démocrate à l'élection présidentielle américaine.
Les nouvelles prévisions du Fonds monétaire international (FMI) ont accru le pessimisme.
Le FMI prévoit une récession dans les pays développés (-0,3% du produit intérieur brut) en 2009 --la première depuis 1945-- alors que la croissance mondiale ne devrait pas dépasser 2,2%. Il y a un mois, le FMI tablait sur respectivement +0,5% et +3,0%.
La prévision pour les Etats-Unis est passée de 0,1% de croissance à -0,7%, celle de la zone euro de +0,2% à -0,5%.

La France a elle aussi revu à la baisse ses prévisions de croissance pour 2009, n'espérant plus qu'une progression de son PIB "entre 0,2% et 0,5%" contre 1% auparavant. Le FMI table lui sur un recul de 0,5%.
Le gouvernement français a aussi révisé à la hausse sa prévision de déficit public pour 2009, à 3,1% contre 2,7% auparavant, soit au-delà des critères de Maastricht.
Les investisseurs attendent également avec inquiétude les chiffres de l'emploi aux Etats-Unis vendredi.
Dans le secteur automobile, un des plus durement touchés par la crise, la mauvaise nouvelle est venue de Londres où les immatriculations de voitures neuves ont reculé de 23% en octobre par rapport à 2007.
En Espagne, c'est la production industrielle qui est en berne, en baisse de 8,8% en septembre sur un an.
La tendance est la même en Allemagne, où les commandes industrielles se sont effondrées de 8% en septembre, soit la plus forte baisse depuis la réunification, et où on craint "une augmentation notable" des défaillances d'entreprises.
A Tokyo, le numéro deux mondial de l'automobile, Toyota, a sabré de plus de moitié sa prévision de bénéfice pour l'exercice 2008-2009, évoquant une "situation sans précédent" pour le marché mondial.
Selon son Premier ministre, la Hongrie, durement touchée, a perdu 3.200 emplois à cause de la crise.
Quant aux prix du pétrole, ils ont encore baissé, les opérateurs continuant à redouter une baisse de la demande mondiale. Vers 17H30 GMT, le prix du baril de brent plongeait sous le seuil de 57 dollars à Londres, son niveau le plus bas depuis février 2007.
L'euro était de son côté en recul par rapport au dollar après la baisse des taux de la BCE, à 1,2808 dollar contre 1,2962 mercredi soir. Il reculait également face au yen.
Pour tenter de sortir du marasme, les grands acteurs du capitalisme mondial préparent le sommet du G20 du 15 novembre à Washington: vendredi, un Conseil européen extraordinaire réunit les chefs d'Etats et de gouvernements des 27 à Bruxelles, à la veille d'une réunion à Sao Paulo des ministres des Finances et présidents des banques centrales du G20.
Globalement, Européens et pays émergents réclament plus de régulation de la finance internationale et un rôle accru du FMI, mais ils risquent de se heurter aux Etats-Unis, réticents à toute gouvernance mondiale et que la passation de pouvoir à la Maison Blanche pourrait inciter à l'immobilisme.
La présidence française de l'UE a martelé qu'elle voulait des "propositions concrètes" sur la réforme du système financier "sous cent jours" après le G20, selon un document qui sera discuté vendredi par les dirigeants européens.
Berlin a fait savoir que pour l'Allemagne, le sommet de Washington devait avoir pour "objectif minimum" un accord sur "un mandat et un calendrier" pour entamer une réforme du système financier mondial,