Les marchés financiers se préparent à une semaine à haut risque face à une crise financière historique qui continue d'entraîner les pays industrialisés dans la récession et malmène les économies émergentes.
Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn a ainsi annoncé un prêt de 16,5 milliards de dollars à l'Ukraine, en manque de liquidités, dont l'octroi est conditionné au vote d'un plan de sauvetage économique.
Les investisseurs surveilleront de près jeudi la publication de la première estimation du Produit intérieur brut (PIB) américain au troisième trimestre, attendu en recul, qui sera précédée de plusieurs indicateurs économiques aux Etats-Unis et en Europe.
"La croissance mondiale sera considérablement réduite pendant l'année 2009", a averti dimanche la ministre française de l'Economie Christine Lagarde, soulignant toutefois l'impossibilité de prévoir la "durée" et la "profondeur" de la crise.
"Si la chute des Bourses a pour origine les craintes d'une récession internationale, alors la semaine prochaine sera très mauvaise. Le calendrier économique est rempli d'indicateurs qui seront uniformément exécrables", avertissait vendredi à New York l'analyste Carl Weinberg, de High Frequency Economics.
A l'affût de tous les signes de détérioration de la conjoncture, les marchés attendent aussi une avalanche de résultats et de perspectives d'entreprises américaines, européennes et japonaises. Certaines risquent d'annoncer des plans d'économies et des réductions d'effectifs.
A New York, ce sera le tour d'ExxonMobil, la première capitalisation du Dow Jones, Kraft Foods ou encore Procter & Gamble. Egalement annoncés, les géants pétroliers BP et Shell à Londres.
A Francfort, Lufthansa, Bayer, puis la Deutsche Bank ou encore Volkswagen. A Paris, Alcatel-Lucent, France Télécom, Michelin, L'Oréal et Pernod Ricard. Après une révision à la baisse des perspectives de Sony vendredi, la saison des résultats trimestriels s'ouvre également lundi au Japon.
La Réserve fédérale américaine devrait encore abaisser son taux directeur mercredi, actuellement fixé à 1,5%, et le gouvernement japonais a annoncé dimanche qu'il était prêt à multiplier par cinq, jusqu'à 110 milliards de dollars, le montant à injecter dans les banques en difficulté.
Une banque autrichienne spécialisée dans le crédit aux communes, la Kommunalkredit Austria AG, dont l'un des principaux actionnaires est la banque franco-belge Dexia, a entamé dimanche des discussions avec les autorités afin d'obtenir une aide de l'Etat.
La banque belge KBC poursuivait de son côté des négociations sur un "mécanisme d'aide publique".
Mais face à des marchés survoltés qui ont largement ignoré les plans massifs d'intervention des banques centrales et les programmes d'aide américain ou européen aux secteurs bancaires, ces mesures risquent de peser de peu de poids.
"De la peur à l'état pur" inspire les marchés, analysait vendredi à New York Gina Martin, de Wachovia Securities, alors que les grandes Bourses mondiales (New York, Tokyo, Londres, Paris) sont retombées à leur niveau du printemps 2003 après quatre semaines de krach.
Montrés du doigt vendredi par la ministre française de l'Economie Christine Lagarde, les hedge funds (fonds spéculatifs) amplifient les mouvements boursiers en vendant en catastrophe des titres pour recouvrer des liquidités afin de se désendetter, estimaient les opérateurs.
"Nous n'avons aucune idée du temps que cela va prendre aux +hedge funds+ pour liquider leurs positions", s'inquiétait vendredi le site Seeking Alpha.
Seules ouvertes le dimanche, les Bourses des monarchies pétrolières du Golfe ont terminé en baisse: Ryad a perdu 1,66%, Koweït 3,5%, Dubaï 4,75%, Abou Dhabi 4%.
Dans l'attente du grand sommet du G20 (principaux pays industrialisés et émergents) à Washington le 15 novembre visant à réformer le système financier international, les craintes sur les perspectives de l'économie "réelle" s'amplifient dans le monde entier.
La Banque centrale chinoise a estimé dimanche que la Chine, sans sous-estimer l'impact de la crise, disposait d'une économie assez forte pour la surmonter.
Mais dans le sud de la Chine des milliers d'usines sont menacées de fermeture. La riche province de Canton (le Guangdong), dédiée aux manufactures tournées vers l'export, devrait perdre 9.000 de ses 45.000 usines, selon des estimations.
Dans le Golfe, le Koweït a créé une cellule de crise et s'est engagé à garantir les dépôts bancaires, après l'annonce que Gulf Bank, second établissement de l'émirat, avait subi "des pertes" dans des transactions sur des produits dérivés.
Les six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) avaient pourtant affiché samedi "leur confiance dans la stabilité" du système financier régional, lors d'une réunion extraordinaire à Ryad.
Les pays du Golfe s'attendent aussi à ce que "les économies du Golfe continuent de croître à un bon niveau", malgré la chute des cours du pétrole, principale source de revenu. Le brut est tombé vendredi sous les 65 dollars le baril, loin des 147 dollars de juillet dernier.
En Amérique du Sud, les ministres des Finances et les présidents des banques centrales du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) tiennent lundi une réunion de crise à Brasilia pour faire face à la tempête financière.
Les pays associés au Mercosur (Chili, Bolivie, Pérou, Equateur et Colombie), ainsi que le Venezuela, en cours d'adhésion, ont été invités à cette rencontre ministérielle.
"Personne n'a de réponse immédiate. Nous n'avons pas l'illusion que nous allons résoudre tous les problèmes", a toutefois averti le chef de la diplomatie brésilienne, Celso Amorim, hôte de cette réunion extraordinaire qui intervient après une semaine noire pour les marchés latino-américains, notamment au Brésil et en Argentine.
En Europe, les cinq Premiers ministres des pays nordiques tiendront une réunion extraordinaire lundi à Helsinki consacrée à l'Islande, qui tente de surmonter la crise financière.
Vendredi le FMI avait volé au secours de l'Islande, ruinée par la déconfiture de son système bancaire, en lui accordant un prêt de 2,1 milliards de dollars, le premier consenti à un pays d'Europe de l'Ouest depuis 1976.