L'Ecureuil veut renouer avec sa vocation de banque de proximité après la démission de ses dirigeants, sanctionnée pour ses choix stratégiques dispendieux mais aussi pour son manque d'écoute.
"Il était temps de mettre fin à cette période. Charles Milhaud n'écoutait plus personne", a confié à l'AFP le président d'une Caisse d'Epargne, qui a participé au conseil de surveillance convoqué dimanche en urgence après la perte de 600 millions d'euros subie par la banque.
Ce conseil s'est soldé par la démission en bloc des trois principaux dirigeants du groupe, dont son président M. Milhaud, en poste depuis 1999.
La "situation était déjà tendue", mais la perte liée à des opérations boursières a été la "goutte d'eau qui fait déborder le vase", explique ce dirigeant, qui résume bien l'état d'esprit des Ecureuils.
"Charles Milhaud a voulu faire trop de choses trop vite en n'écoutant pas ses instances", poursuit ce banquier. Qui avoue s'être fait "tordre le bras" pour voter en faveur d'opérations qu'il désapprouvait, comme l'accord avec le promoteur Nexity pour créer un pôle immobilier début 2007.
Réalisée au plus haut du marché, juste avant que la bulle ne dégonfle, cette opération était très critiquée à l'époque, d'autant que l'Ecureuil venait de créer Natixis avec le groupe Banque Populaire, qui s'est avérée depuis un gouffre financier.
"Les 600 millions d'euros, c'est un prétexte pour les directions des Caisses d'Epargne régionales, qui sont frustrées depuis la loi du 25 juin 1999", confirme Bruno Aguirre, secrétaire général Force Ouvrière à l'Ecureuil.
Cette loi, qui a doté les Caisses d'Epargne du statut de banques coopératives, était censée leur donner plus de pouvoir.
Mais Charles Milhaud "a mis en place un dispositif qui interdisait de fait la mise en oeuvre de la démocratie économique", une "verticale du pouvoir qui muselait quasiment tous les organes délibéraux", poursuit M. Aguirre.
Concrètement, les dirigeants des 17 Caisses d'Epargne sont nommés sur proposition du directoire. Résultat: même si l'accord avec Nexity n'était pas "soutenu de façon majoritaire" par les membres du conseil, "ils l'ont voté quand même, sinon ils perdaient leur poste", explique ce délégué syndical, qui parle d'un système "quasi-soviétique".
La gouvernance n'est pas seule en cause.
"Dans les Caisses d'Epargne, on n'est pas dans la spéculation, on est dans le service à NOS clients et dans le développement de nos régions", rappelle le dirigeant cité plus haut.
"Il faut que l'on se recentre sur ce que l'on sait bien faire et qui a fondé notre histoire et notre notoriété: la banque de détail, la banque commerciale, avec des notions de sécurité, de proximité", renchérit Serge Huber, représentant (Unsa) des salariés au conseil de surveillance.
"Depuis 1999, on a voulu croître dans toutes les directions sans beaucoup de discernement: il est temps de marquer une pause", ajoute-t-il.
Pour autant, l'Ecureuil n'aura pas le temps de l'introspection car il est engagé dans des négociations en vue de fusionner, d'ici le printemps, son organe central avec celui de la Banque Populaire.
M. Aguirre insiste toutefois sur la nécessité que les deux réseaux d'agences des deux banques "restent bien distincts" et que seules "quelques activités" soient mises en commun "pour éviter de prendre trop distance avec le client".
Serge Huber espère enfin que ce changement de direction sera l'occasion de "revoir" le système de rémunération du groupe qui encourage selon lui la "vente à tous crins" de produits, au mépris des "besoins réels" du client.