L'économiste Denic Clerc, membre en 2005 de la commission présidée par Martin Hirsch qui a promu l'idée du RSA, exprime un avis "nuancé" sur le revenu de solidarité active, jugeant qu'il "risque d'augmenter les miettes d'emploi", dans un entretien au Monde daté de samedi.
"Cela réduira (un peu) la pauvreté laborieuse, mais avec le risque d'augmenter les miettes d'emploi", déclare M. Clerc, qui est également conseiller de la rédaction du mensuel Alternatives économiques. "Certains emplois à temps très partiel qui ne trouvent pas preneurs aujourd'hui pourraient bien, demain, être pourvus, car un complément de revenu social sera versé à ceux qui les occuperont", ajoute-t-il.
Selon lui, "les salariés seront plus enclins à les accepter, mais, probablement, ils seront contraints de le faire" sous l'effet de "la nouvelle logique de droits et de devoirs" des chômeurs menacés d'être radiés s'ils refusent plusieurs offres d'emploi.
"Aujourd'hui stagnent dans la pauvreté des gens qui n'ont pas accès à l'emploi. Le RSA peut avoir un rôle incitatif. Néanmoins, les freins au retour à l'emploi sont très peu monétaires. Ils sont bien davantage liés aux problèmes de mobilité, de santé ou de garde d'enfant", souligne l'économiste.
Interrogé sur un blocage des salaires, M. Clerc craint "un effet indirect" du RSA.
Trouvant que "l'absence, dans le projet de loi RSA, d'obligations pour les employeurs est une lacune", il recommande d'"obliger les branches à ouvrir des négociations sur les bas salaires et la réduction des emplois à temps partiel" et d'"imposer une évaluation annuelle de la réforme pour vérifier que les emplois précaires ne se multiplient pas".
Pour limiter les effets pervers potentiels, il estime qu'il faudrait commencer à verser le RSA "à partir d'un tiers-temps", de 11h30 de travail hebdomadaire, et "non dès la première heure de travail, comme prévu".
Si le RSA permet à "500.000" personnes de sortir de la pauvreté, "ce sera bien", déclare M. Clerc, affirmant que sa proposition à lui "permettrait, avec la même somme dépensée, de sortir 800.000 à 900.000 personnes de la pauvreté".