La durée du chômage varie "très fortement" d'une localité à l'autre, y compris dans le même département, révèle une étude du Centre d'étude de l'Emploi (CEE) qui s'attache pour la première fois à cerner ces disparités parfois surprenantes faisant de Paris, la lanterne rouge.
En Ile-de France, "à l'encontre des idées reçues", Paris s'impose "comme la zone la plus défavorable en matière de retour à l'emploi" alors que la densité d'emplois y est "la plus élevée" et que les demandeurs d'emploi y sont globablement plus diplômés, selon l'étude qui porte sur 11.000 communes et est déclinée région par région.
La capitale souffre paradoxalement d'une durée brute de chômage de 12 à 15 mois comparable à des communes situées à l'extrémité du Val d'Oise ou des Yvelines, où l'enclavement géographique rend la recherche d'un emploi "coûteuse, peu intense et inefficiente", relève-t-elle.
Les chercheurs ont eu accès aux fichiers de l'Anpe sur cinq ans (2001-2006) et travaillé avec des techniques statistiques comparables à celles utilisées pour l'évaluation des hôpitaux ou des universités.
Point de palmarès cependant, l'objectif n'étant "pas de pointer les mauvais élèves" mais "d'expliquer la géographie du chômage local par des caractéristiques régionales, la localisation des activités, mais aussi d'autres mécanismes spatiaux", a expliqué à l'AFP Yannick L'Horty, professeur d'économie à l'université d'Evry et co-auteur. Le CEE dépend des ministères de l'Emploi et de la Recherche.
Approfondissant des travaux publiés en 2006 sur les disparités régionales en matière de chômage, les chances de retour à l'emploi ont été évaluées au niveau de chaque commune.
Les chercheurs ont compté les mois passés au chômage avant qu'un demandeur d'emploi ne retrouve un emploi, si possible durable (six mois ou plus) et neutralisé les effets de la composition socio-démographique propre à chaque commune.
L'étude "confirme l'existence d'un effet territoire indépendant des caractéristiques individuelles des chômeurs sur ces territoires".
Ainsi, lorsqu'on raisonne comme si tous les chômeurs avaient les mêmes caractéristiques, dans les 10% des localités d'Ile-de-France les plus favorables au retour à l'emploi, la durée du chômage est de 40% plus courte que dans les 10% de communes les moins favorables (9,2 mois contre 12,6).
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, les constrastes sont aussi très forts entre la commune touristique des Saintes-Maries-de-la-Mer, et une vaste zone défavorable autour de Marseille, Aix-en-Provence, l'étang de Berre jusqu'en Camargue.
L'étude distingue, région par région, ce qui tient à des phénomènes de ségrégation, de ce qui relèverait d'un meilleur aménagement du territoire.
En Ile-de-France, "les demandeurs d'emploi franciliens souffrent davantage d'effets de ségrégation que de problèmes de distance physique à l'emploi, sauf pour les communes les plus en marge de la région", estiment les chercheurs.
Quant au cas de Paris, des travaux à paraître ont permis de dégager "trois ou quatre pistes d'explications" inédites : "les demandeurs d'emploi qui restent longtemps au chômage sont peu qualifiés et correspondent mal aux offres d'emploi disponibles", la surreprésentation des arts et spectacles, et des hôtels-café-restaurants, secteurs où le travail dissimulé est important, contribue à faire apparaître une plus longue durée de chômage, et enfin Paris souffrirait d'un "problème de gouvernance des politiques de l'emploi, avec telle densité d'acteurs qu'ils ont du mal à se coordonner", indique M. L'Horty.